Un loser, interprété par Bouli Lanners, s'entiche d'un personnage encore plus ridicule que lui et passe en sa compagnie d'absurdes instants. Sur le papier, il semblerait qu'"Eldorado" (France, 2007) de Bouli Lanners soit une version longue de la séquence des cambrioleurs de "J'ai toujours rêvé d'être un ganster". Pourtant, où Benchetrit pouvait cultiver dans son sketch une certaine science du décalage, de l'après-coup, Lanners préfère une chimie astucieuse entre trois matières. La première n'est autre que le road-movie américain. Parcourant en voiture, parmi de petites voies, les routes de Belgique, Lanners et son compagnon-cambrioleur, en premier lieu antagonistes, lient une affection. Leur aventure, sans but véritablement prédéfini, les bringuebale aux travers des paysages et des situations cocasses. Plus que le désespoir enthousiaste de "Thelma and Louise" c'est à l'intimisme libérateur de "Scarecrow" que fait appel Lanners. La deuxième matière du film sont les codes types du cinéma d'"auteur" selon l'idée que s'en fait le vox populi. Des longs sentiers étendus jusqu'aux horizons devant lesquels pivote la caméra, des silences gênés permettant aux expressions de prendre davantage de loquacité que les mots et des cieux noirs qui aplanissent les corps humains, Lanners dresse l'inventaire du bon film d'"auteur". La troisième matière, et la plus importante, qui forme "Eldorado" réside dans son humour puéril, fait de blagues enfantines, aussi farfelus qu'elles apparaissent improbables. Le mélange de ces trois influences produit heureusement un film cohérent, réussi dans sa pratique. Les aventures potaches de Lanners et son ami, poursuivent de tout leur long, sur une lancée absurde. L'apparition impromptue parfois d'instants d'émotions (cf. la bande 8 mm où deux frères se chamaillent affectueusement) ponctue comme par obligation les périodes grivoises de gravité. Fait selon une chimie, le film finit de se rendre absurde, une boucle infinie qui ne mène nulle part.