Jarmusch et Kaurismäki sont au coeur de cette belle oeuvre contemplative, une courte fable sur la désillusion de deux hommes qui cherchent un sens à leur vie. Mais l'âme de Jarmusch ne tient pas dans une tentative de dialogues grotesques et tragiques, et l'imagerie poétique de Kaurismäki ne prend pas vie ici à la manière d'un minimalisme appuyé et symboliquement forcé. Bouli Lanners a su manier deux styles tout en ajoutant sa dose de personnalité, celle d'un étrange bonhomme belge, qui dépeint la déprime profonde en train d'engloutir son pays. Pourtant, le film patine dans son début ; le rythme peine à percer dans l'image, le montage déstabilise, les choix musicaux enfoncent l'inconfort. Et puis c'est enfin l'histoire d'un mec qui prend un cambrioleur sous son aile : déjà, la situation est d'un comique aussi dérisoire que véritablement touchante. Le voleur est drogué, paumé, il est l'évocation directe, ou quand l'homme prend la forme totale d'un pilier, d'une jeunesse qui ralentit le pays. Il pourrait se suicider, mais il ne se suicide pas. La rencontre, formidable non-dialogue, échange de procédés basiques, de gestes viscéraux, simples et originels, ouvre directement au film sa deuxième histoire et la raison du second personnage : il s'agit d'une histoire de confiance. De la confiance de l'autre pour la confiance de soi. Eliminés quelques tics de montage énervant, "Eldorado" est lancé sur sa route nouvelle, tendre, qui parle au gré d'un vent universel. Les bordures scénaristiques du film sont strictes, Bouli Lanners ne les dépasse pas ; il ne s'agit pas de raconter par la complexité, mais par les faits comme ils pourraient être simplement, comme ils le sont tous les jours et encore demain. Le travail du temps, dans le déroulement narratif et dans l'image, compose le coeur du film. Sa simplicité est un trésor châtoyant, bouleversant, et dedans se reflète son auteur et ses deux yeux brillants. C'est un gros Snoopy, brave et naïf, pour qui la vie ne compte que quand l