"SuperGrave"… ou plutôt "Superlourd" ! Le producteur Judd Apatow avait pourtant révolutionné la comédie US, quelques années plus tôt, avec "40 ans toujours puceau", avec ses personnages régressifs et terriblement hilarants. Est-ce parce qu’il était trop occupé sur la réalisation de son second long-métrage ("En cloque : mode d’emploi") que ce "SuperGrave" parait aussi bordélique ? Difficile à dire car on retrouve bien le style propre aux productions Apatow avec ses loosers aux problèmes existentielles forcément sexuels, ce quotidien rythmé par les fêtes et les bitures et ses dialogues très orientés et volontairement régressifs. Malheureusement, la régression prend le pas ici sur le fond puisqu’on assiste à une surenchère dans la vulgarité gratuite (que ce soient les répliques bas du front ou la succession de scènes de vomi ou de menstruation) qui ne parvient pas à faire oublier la vacuité du scénario. Car, s’il est bien évident que "SuperGrave" n’avait pas pour ambition de faire dans la finesse, le film aurait pu transcender la vulgarité de son propos comme l’avait fait, avant lui, la saga "American Pie" ou, plus récemment, "40 ans toujours puceau" en sublimant ses personnages. Au lieu de ça, les acteurs semblent livrés à eux-mêmes et s’adonnent à d’interminables diatribes se voulant transgressives mais qui sont seulement lourdes, à quelques exceptions près (la fameuse bite veineuse et triomphante). La faute en incombe principalement au réalisateur, Greg Mottola, qui s’est visiblement absenté à de nombreuses reprises, tant du siège de metteur en scène sur le tournage que du siège de monteur lors de la postproduction, à moins qu’il n’ait été écrasé par le cahier des charges imposé par son producteur. Plus que le défaut habituel des productions Apatow (c’est-à-dire la longueur du film), on ne peut qu’être effaré par le manque de rythme et, plus généralement, le manque de structure du film. Les scènes sont trop longues, trop décousues, trop étirées et se succèdent de façon incohérente, sans la moindre direction d’acteurs. On est plus devant un patchwork d’idées accolées les unes aux autres assez artificiellement, avec un semblant de lien qui est l’histoire d’amitié entre Seth (Jonah Hill, symptomatique du ton gras du film et qui ne sait pas dire autre chose que "fuck") et Evan (Michael Cera, trop attendu dans le rôle qu’il a toujours tenu de grand dadais timide) et leur quête sexuel. A ce titre, leur relation, qui se voudrait décalée et ambiguë (les deux meilleurs amis qui ressemblent à un vieux couple sur le point de se séparer) est franchement ratée en raison d’un traitement très premier degré bien peu adaptée. Et ne parlons même pas des improbable personnages féminins, (dont Emma Stone et Martha MacIsaac) toutes plus mimis les unes que les autres mais qui s’offrent inexplicablement aux deux héros malgré leur absence totale d’intérêt… Heureusement, "SuperGrave" est traversé, par moments, de fulgurances comiques inattendues qui permettent au film de sortir du lot. Ainsi, on se prend à rire devant les aventures de l’hallucinant Fogell (la découverte Christopher Mintz-Plasse) et sa carte d’identité bidon (avec son énorme pseudo McLovin) qui va croiser la route de deux flics invraisemblables (les excellents Seth Rogen et Bill Hader dont les rôles s’essoufflent cependant à mi-bobine). Les scènes de ces trois personnages sont incontestablement les meilleures du film même si, paradoxalement, on peut regretter qu’elles soient trop nombreuses (et de moins en moins drôles) et qu’elles participent, ainsi, au bordel ambiant au lieu de se contenter de leur statut d’efficace running gag. On appréciera, également, d’autres seconds rôles atypiques (Joe Lo Truglio en chauffard, Kevin Corrigan en hôte psychopathe…) et une ambiance générale typiquement teen movie US. C’est tout de même particulièrement pauvre et surtout très décevant pour une production Apatow.