Batman, le défi était clairement un chef-d’œuvre mais avait effrayé les enfants. Warner décide donc que l’ambiance des nouvelles aventures du héros devront être moins sombres. Elle choisit logiquement de changer de réalisateur. On passe donc de l’univers gothique de Tim Burton aux décors à couleurs fluorescentes de Joel Schumacher : le changement ne pouvait pas être plus radical !
Dès le premier dialogue
(Alfred propose à Batman de prendre un sandwich et ce dernier répond qu’il ira au restauroute !!!)
, on comprend qu’il ne faut plus chercher la moindre notion de crédibilité et de réalisme.
On en est encore plus sûr dès la fin du premier affrontement entre Batman et Double-face où un hélicoptère s’écrase contre une Statue de la Liberté à Gotham city et non à New York (même si la seconde a fortement inspiré la première à sa création par Bob Kane et qu’elle était la ville où exerçait le héros dans les toutes premières bandes dessinées).
De même, il est difficile de savoir si le film est une suite aux deux longs métrages de Burton ou pas. En effet, on peut le penser car la présentation de l’assassinat des parents de Bruce est présentée de façon assez similaire, car les rapports de Batman avec la Police sont dans la continuité de ceux-ci et car on retrouve certains acteurs dans les mêmes rôles (Michael Gough réinterprète Alfred et Pat Hingle le commissaire Gordon) et la présence de Burton à la production.
D’un autre côté, on peut penser qu’il n’en est pas la continuité. En effet, le rôle d’Harvey Dent n’est plus confié à Billy Dee Williams (qui apparaissait furtivement dans le Batman de 1989) mais à Tommy Lee Jones : outre le changement d’acteur, le personnage n’est donc plus noir mais blanc. Et évidemment, le changement d’acteur le plus marquant se fait pour le rôle principal : au revoir Michael Keaton, bonjour Val Kilmer ! Mais si ces changements s’expliquent par des problèmes de production (Jones est plus célèbre que Williams et Keaton était en désaccord avec le ton que voulait donner Schumacher), ce qui interroge surtout est le fait que Bruce dit n’être jamais tombé amoureux avant de rencontrer Chase Meridian (on oublie donc Vicky Vale et les rapports troubles qu’il entretenait avec Selina Kyle, alors qu’une réplique de Chase Meridian fait référence à cette dernière) et qu’il prétende n’avoir encore jamais raconté à quiconque son secret (Vicky Vale le connaissait même si c’est en grande partie grâce à Alfred). De même, il évoque Métropolis alors que l’existence de celle-ci et, par conséquence de Superman, est totalement absente chez Burton. Le ton totalement nouveau aidant, le meilleur moyen est donc de voir Batman forever comme étant assez indépendant des deux précédents et de le juger pour lui-même.
Le premier film de Schumacher sur le Chevalier noir est donc un pur film de divertissement où les personnages ne sont pas spécialement crédibles (les premières scènes de Nicole Kidman face à Batman la présentent comme étant assez ridicule alors qu’elle est tout de même psychologue et Chris O’Donnell est trop vieux pour que l’on puisse croire qu’il ait besoin d’un tuteur !). De même, certaines situations ne tiennent pas véritablement debout
(pourquoi l’Homme-Mystère empêche-t-il Double-Face de tuer Bruce Wayne et que ce dernier accepte cela alors qu’ils savent qu’il est Batman !!!)
. Mais, comme il mise tout sur le fun, on accepte beaucoup de ces illogismes. En effet, le film reste assez distrayant et les scènes d’action sont plutôt prenantes même si elles ne sont pas toujours très lisibles. De même, si on est parfois atterré quand le personnage de Batman fait des blagues, l’humour n’est pas suffisamment présent (au contraire de Batman & Robin) et arrive encore à peu près à passer quand il provient de Jim Carrey. Cela n’anéantit pas complètement un film qui conserve encore certains rapports entre personnages plutôt réussis notamment entre Bruce et Dick.
Ainsi, Schumacher signe donc un pur film commercial et familial à mille lieux du niveau des œuvres de Burton mais qui reste plutôt divertissant (le personnage ayant connu diverses versions dans les multiples arts l’ayant traité et notamment la bande dessinée, on peut estimer que c’est une vision de lui comme une autre). Hélas, le succès rencontré par Batman forever poussera Schumacher et Warner à se rapprocher encore plus de l’esprit de la série des années 60 et entraînera un Batman & Robin où l’humour ridicule est poussé encore plus loin et qui faillit anéantir définitivement la franchise (avant que celle-ci ne soit ressuscitée avec brio par Christopher Nolan).