Batman a une fois de plus fort à faire avec les crimes perpétués par l'ancien procureur Harvey Dent devenu le super-vilain Double-Face et un autre ennemi venant d'émerger, l'Homme-Mystère...
S'il est de bon ton depuis un moment de taper sur Joel Schumacher et ses deux Batman, il est dommage et idiot que cet acharnement soit devenu un réflexe. Bon nombre de gens que je connais par exemple critique entre autre "Batman et Robin" uniquement pour se montrer comme le petit pro en matière de Batman à la version Nolan. Seulement voilà, Nolan est depuis passé avec sa trilogie et a sans vraiment le vouloir, redoré le blason des Batman de Mister Schumacher.
En effet, "Batman Forever" reste un divertissement tout ce qu'il y a d'acceptable, sans pour autant ni jamais se hisser en excellente adaptation ni même être un très bon film. Mais pour ce qu'il est, dans le contexte de l'époque, le spectacle est honorable. On y trouve encore une morale gentillette, un certain enjeu sur la condition de Bruce Wayne et ses origines et la façon dont est réécrite l'histoire de Robin fait office de parti-pris foireux mais pas honteuse. Contrairement à "Batman et Robin", "Batman Forever" s'intéresse encore un peu à la relation de Bruce Wayne avec son entourage, de Alfred à Dick en passant par le docteur Meridian. Certaines sont cocasses davantage que ridicules malgré une direction artistique surfant maladroitement sur les codes visuels instaurés par Tim Burton dans ses deux brillants opus de l'homme-chauve-souris.
Évidemment, Forever reste bourré de défauts encombrants et gênants, à commencer par la direction d'acteurs, totalement aléatoire. Val Kilmer s'avère nettement plus à l'aise dans le costard de Bruce Wayne que dans le costume de Batman, l'aspect femme fatale de Nicole Kidman rend son personnage anecdotique, d'autant plus que Meridian est une pure invention des auteurs et le choix des méchants a de quoi rendre perplexe. Tommy Lee Jones en tête, remporte la palme haut la main de l'acteur se trompant de personnage. Son interprétation de Double-Face, en dehors de son design assez raté, tire davantage vers la personnalité d'un Joker déjanté que celle d'un procureur torturé. Son hystérie, aussi hilarante, malgré tout, soit-elle, ne rivalise pas avec celle de son vilain associé au cours de ce volet, l'Homme-Mystère. Avec Jim Carrey, le duo redéfinit à lui-même le sens du mot "cabotinage" et de l'expression "en faire des tonnes". Leurs personnages sont traités avec un tel premier degré que cela en devient amusant. Un traitement que reprendra d'ailleurs intégralement le film suivant, "Batman et Robin".
Et c'est pour cela que "Batman Forever" est à la fois très intéressant et totalement inégal. En creusant un peu le passé de Bruce Wayne, le film pose un pied dans l'âge de bronze de la bande dessinée tandis qu'il revient à l'âge d'or et ses fantaisies quand apparaissent les méchants, pour chacune de leurs scènes, exception faite de celle du cirque, vraiment tragique.
Le cul entre deux chaises, "Batman Forever" n'égale jamais les deux perles de Tim Burton, la faute à un premier degré très encombrant, et de par son scénario bien trop peu crédible même chez Batman, n'est jamais un excellent film. Reste qu'il s'agit là d'une intéressante reprise d'une franchise assez atypique et charmeuse pour pouvoir s'y plonger sans trop le regretter si tant est que vous acceptez de jouer le petit jeu de ses instigateurs. C'est encore plus vrai pour "Batman et Robin".