Etrange objet de cinéma. Il faut tout de suite reconnaître à Pen-ek Ratanaruang un talent indéniable pour modeler une atmosphère lounge en apesanteur, dans un décor tout sauf original : un hôtel, plus précisément une chambre, certes un peu new age mais déjà vu. Et ce n'est pas tant le décor qui fascine, mais la façon dont Ratanaruang le dessine avec une caméra flexible, virevoltant humidement et lentement au-dessus des corps. Méditation érotique en quasi huis-clos, ribambelle deconnectée de corps et d'esprits mystérieux, effraction au coeur de la vie dun couple et de la jalousie qu'une jeune inconnue va engendrer, "Ploï" est un film extraordinaire, à mi-chemin entre le drame lent, presque poseur, et le film fantastique où tout peut éclater à n'importe quel moment (témoin : les scènes de cauchemars). Alternant les personnages comme autant de songes pour relier et finalement construire avec une certaine cohérence la mentalité du couple en question, le montage tortueux fige le film dans une étrange plénitude artistique, au bord du gouffre de l'irrationnel, du subjectif, de l'immobile, emplie d'un désir ardent que se transmettent ainsi les protagonistes. Comme des portraits aux contours gommés, ces êtres, insidieux, émus, errants, rageurs ou amoureux, répandent du venin dans la vie de tout le monde, dans cette petite sphère moite aux échos d'été pesant, scotchée sur terre par de lourds champs-contrechamps contemplatifs. Ambiance sonore, jeux de sommeils sur le décalage horaire, hors-temps, hors-champ, hors-style, concrétisation de l'idéal sexuel... "Ploï" tient sûrement plus du fantasme qu'autre chose, ou bien dans le cas contraire il peut ne rien signifier. Mais la mécanique entretient un tel échange que l'on se fait hypnotiser devant cette oeuvre aux allures thérapeutiques, anti-frustrations sexuelles. Et peu importe que le film ne fasse rien pour nous charmer totalement, peu importe que le style soit englouti sous la prétention, et peu importe encore que "Ploï" ne so