Un film de Michael Mann étant un évènement, nombreux étaient les regards portés sur Public Enemies. Le film étant, l’on pouvait s’y attendre, très bon, voire même excellent, il n’aura cependant pas fait l’unanimité auprès des critiques et du public. Oui, si le cinéaste excellente toujours autant dans la mise en scène, l’on pourra lui reprocher ici une ambition qu’il aura sans doute eue du mal à assumer, d’un point de vue scénaristique. S’attaquer à la légende qu’est John Dillinger n’était pas de tout repos, loin s’en faut, et pour ma part, Mann a parfaitement saisi l’essence du fin de règne du pilleur de banques le plus célèbre de son temps, l’une des dernières légendes du banditisme désorganisé de l’époque de la grande dépression. John Dillinger, donc, ayant le tout nouveau et pimpant FBI de Hoover sur le dos se verra également mis à mal par la pègre, l’ayant jusqu’alors couvert, soutenu et fourni en armes.
Public Enemies, ou le parcours de celui que l’on surnommait l’ennemi public numéro un, est scabreux, délicat à mettre en scène, si bien que Michael Mann s’est appliqué à tourner sur les lieux véridiques, là ou Dilliger lui-même a entrepris les actions que le film nous content. Mann, visiblement captivé par le sujet qu’il développe, est parvenu à un rendu efficace, à rendre une copie honorable, rigoureusement documentée, pouvant compter sur des acteurs de premiers plans tous aussi efficace que lui. Les décors, la retranscription des années 1933 et 1934, le tout est formidablement documenté, vivant. Un sans-faute en terme de visuels, de prises de vues, Michael Mann étant un vendeur d’images hors pair. Il va de soi que Public Enemies ne déroge pas à la règle avérant la génie du réalisateur, pour une chose bien précise, les fusillades, preuve en n’est la prise du Bohemia et la mort du dénommé Baby Face Nelson, pour ne citer qu’une scène mémorable.
Johnny Depp, n’ayant jamais collaboré avec le réalisateur jusque-là, endosse le costume du célèbre braqueur, avec brio soit dit au passage. L’acteur, d’ordinaire plus fantasque, colle au personnage avec application, détermination et une classe qui lui est propre. Son personnage fera dès lors face à l’agent fédéral Melvin Purvis, incarné par un Christian Bale toujours aussi appliqué, se faisant toutefois voler nettement la vedette par le premier. Le reste du casting, passant sur une Marion Cotillard des grands jours, pour sa première incursion dans un gros film US, est composé d’acteurs solides, discrets, sachant s’effacer ce qu’il faut pour laisser place au duo principal, sans pour autant se cacher.
L’on pourra tout de même reprocher à Public Enemies une écriture inégale. Oui, la complexité du sujet ayant vraisemblablement de quoi perdre une certaine partie du public, Michael Mann ayant tenté d’explorer une multitude de sous-thèmes. Pour ma part, j’ai trouvé léger le traitement en ce qui concerne le rôle du crime organisé dans la chute du braqueur. Le filon étant très intéressant alors que Mann ayant préféré orienter son récit vers la confrontation entre le bandit et les fédéraux, offrant une caricature pas folichonne d’Hoover mais jouant habilement sur l’image du bon et du méchant flic. Pour ne pas faire la fine bouche, Public Enemies n’étant de toute manière pas le plus grand film du réalisateur, il n’en reste pas moins un film honorable, habillé d’une formidable bande son, interprété par des acteurs au sommet et filmer par un réalisateur brillant. Un film à ne pas rater. 15/20