Grâce à "Elle s'appelle Sabine", le documentaire retrouve une beauté qui jusque-là disparaissait peu à peu. Ici, la Sabine du titre est une autiste, soeur de Sandrine Bonnaire, qui, courageusement, la filme aujourd'hui et hier pour montrer la destruction qu'une structure inadaptée aux personnes comprenant des handicaps mentaux a engendrée. "Elle s'appelle Sabine" est tordant, bouleversant, proche de la perfection quand, en une image d'archive, il (elle) nous montre une jeune fille belle, vivante, pleinement consciente, savourant encore les bienfaits de la jeunesse. Alors qu'une minute après, Sandrine Bonnaire nous montre de face une femme métamorphosée, presque droguée de médicaments qui pourtant la soulage, marquée par les années d'effondrement psychologique et physique. Dans un corps qu'elle semble refuser, qui ne semble même pas lui appartenir, Sabine crie son amour pour sa soeur, notamment lors de ses quasi-obsessionnels : "Sandrine, c'est promis, tu viendras me voir demain?". Ce lien indestructible de l'amour entre une soeur emprisonnée et une soeur témoin, Sandrine Bonnaire essaye de le transmettre avec pureté à l'écran, et surtout, accuse les structures médicales et l'absurdité de leurs traitements miracles. Alors oui, le projet est noble et beau, mais malheureusement, au-delà de quatre images d'archives qui de leur brillance humaine font saturer la pellicule, "Elle s'appelle Sabine" peine à convaincre. Et cela pour deux raisons : la première, c'est qu'à vouloir parler d'une page personnelle tout en visant l'universel (le film ne se focalise pas toujours sur Sandrine, mais aussi sur d'autres victimes d'handicaps vivant dans la même structure que Sabine), Sandrine Bonnaire oublie de tutoyer le public : oublie de nous transmettre, au-delà de l'amour qu'elle porte à sa soeur et que l'on devine aisément, les raisons profondes d'un tel désastre, et ralentit, à cause d'une construction temporelle un peu bancale (passé/présent), la rythmique si admirable de l'image.