Pas sûr qu'"Une Femme est une Femme" soit un Godard mineur, loin de là. 1961, le cinéaste est dans le crescendo créatif qui le mènera vers les plus hautes cimes du septième art et ne s'arrête pas de tourner. Par la caméra, il s'exprime, transforme l'expérimental en oeuvre construite et mâture mais surtout cherche constamment les idées les plus folles et les met en scène. Plutôt que disserter des heures sur telle ou telle tentative, pourquoi ne pas exposer directement tout cela à l'écran et voir ensuite ce que ça donne ? C'est le pari fou qu'a tenté et réussi JLG à plusieurs reprises, notamment lors de ce long-métrage à la forme splendide, sans cesse en mouvement, imparfaite mais incluant de nouveaux éléments à une cadence folle. Dès le générique, le style étonne de par son audace et sa capacité à éclater non plus les conventions mais le cinéma tout court ! Aucune limite n'existe, pas de règles, un seul mot d'ordre : l'essai. Devenant très vite splendide, il cloue le spectateur par sa capacité à magnifier Karina, casser la continuité de l'intrigue, rendre surréaliste n'importe qu'elle situation, faire d'un huis-clos un espace immense où tout peut arriver à n'importe quel moment... L'inspiration de Godard est sans bornes, c'est à en devenir fou ! Les références affluent, la Nouvelle Vague frappe de plein fouet les films plus "datés", Belmondo et Brialy excellent, les interludes musicales s'avèrent d'une modernité ébouriffante... Un seul reproche, plus ou moins important selon les critères de chacun : le scénario à proprement parler est inexistant : l'histoire est sans intérêt, les personnages de simples corps se déplaçant sur l'écran donc pas l'ombre d'une profondeur... Personnellement, cela ne m'a pas gêné dans l'ensemble mais la légèreté virevoltante du film constitue également sa limite : dès que la caméra se pose un minimum, elle semble s'essouffler cruellement, la faute à une étude de caractères et de thèmes totalement absente.