Bryan Singer n’aura jamais été meilleur que lorsqu’il nous racontait l’histoire épatante de ces cinq malfrats manipulés par une puissance criminelle quasiment divine. Usual Suspects, les suspects habituels, un thriller mené à la baguette par Singer, Christopher McQuarrie à l’écriture, qui relate les dernières frasques d’une assemblée de criminels alors que le monde autour d’eux ne semble plus que prononcer le nom d’un tout puissant malfaiteur, par le biais du témoignage auprès des douanes américaines de l’unique rescapé d’un massacre nocturne. Singer fait preuve de beaucoup d’audace, d’intelligence, alors que le sujet était à l’origine éminemment casse gueule. Si le réalisateur est habile, il peut toutefois remercier le formidable Kevin Spacey d’avoir su transcender son personnage, l’acteur étant le réel moteur du film.
Un coup foireux, deux coup foireux puis une tuerie, un drôle de menu pour nos bandits, tous d’expérience, mais tous vierges d’un travail les uns avec les autres. L’intrigue démontrant une implication bien supérieure à celle de la police dans leur réunion, d’apparence fortuite, couronne une intrigue très touffue. Qui dit touffue ne dit pas mal goupillée. Il s’agit ici d’un exemple magistral à suivre lorsqu’il s’agira de coucher sur papier un script de film qui aurait l’ambition de sortir de l’ordinaire, de proposer un récit captivant qui n’aura pas été nettoyer et essuyer mille fois. Bref, l’intrigue, outre de formidables acteurs, est ici le point fort de l’ensemble du film, un fait devenu aujourd’hui quasiment obsolète, et c’est bien dommage. En somme, Usual Suscpects est sans doute l’un des tous meilleurs produits par l’industrie du cinéma policier dans les années 90, aux côtés de Seven, notamment.
Outre l’intrigue, l’on notera aussi une magistrale écriture des dialogues, directe, drôle, tranchante, alors que le film se suffisait déjà à lui-même. Les acteurs, Spacey, mais aussi l’un des cadets Baldwin, Benicio Del Toro, alors peu connu, Kevin Pollack, Chazz Palminteri et Gabriel Byrne, prennent tous leurs rôles à cœur, chacun jouant sur sa corde, les cordes réunies signifiant le son de la guitare. S’il n’est pas forcément aisé d’entrer dans la danse auprès des différents protagonistes du film, dès cela fait, chaque évènement prendra un sens indubitable. Un exemple d’écriture, comme je l’ai dit, qui malgré son apparente complexité, ne laisse jamais le public sur le carreau, à l’inverse de bien des productions récentes qui perdent en route leurs ambitions fautes de ne pas assumer les idées originales.
Impatient de découvrir le fin mot de l’histoire, c’est vers un final glaçant, même si plein de grosses têtes se ventent d’avoir tout compris dès le début, que le public se dirige. Le coup le plus malin du Diable est d’avoir réussi à faire croire qu’il n’existait pas, méditer là-dessus. Bref, les cinq dernières minutes du film sont époustouflantes. Rondement mené, comme là dit sur le vif ma compagne à la fin du énième visionnage pour moi et du premier pour elle. Un film qu’elle serait sans doute prête à revoir, c’est dire. Du bel ouvrage qui nous force à regretter le reste de la filmographie de Singer, nettement inférieure. 17/20