Comme le raconte le metteur en scène Newton I. Aduaka, le projet d'Ezra est né en 2004: "J'étais en train d'écrire ce qui devait être mon second long-métrage, un projet intitulé Waiting for an Angel, qui avait pour toile de fond la pire dictature qu'ait connue le Nigeria, celle du général Sani Abacha. C'est à cette époque qu'avec Arnaud Louvet de l'Unité Fiction d'ARTE, nous avons parlé d'un film sur des enfants soldats. L'idée puis l'histoire sont nées à partir d'un énorme travail de recherche. J'ai travaillé avec Alain-Michel Blanc, qui avait remporté le César du meilleur scénario pour Va, vis et deviens".
Le réalisateur Newton I. Aduaka s'est inspiré de son propre parcours pour Ezra, puisque lui-même a connu les conflits armés très jeune: "Je suis un enfant de la guerre. Je suis né au Biafra, un pays qui n'a existé que trois ans sur la carte du monde, et dont l'histoire a par conséquent été oubliée. Pendant ces trois années, plus d'un million de Biafrais sont morts dans une guerre très brutale, que j'ai vécue lorsque j'étais enfant. Je savais que cela faisait partie de mon histoire, de ce que je suis devenu. Mais je ne pensais pas que c'était encore si concret en moi, et je m'en suis rendu compte en revenant de mes premiers repérages en Sierra Leone, où j'avais rencontré des enfants qui étaient passés par l'enfer, des enfants qui avaient mené une guerre dont ils ne savaient rien, hormis les mensonges qu'on leur avait racontés. Nous avons parlé à beaucoup de gens, des psychiatres, des avocats d'un tribunal spécial des Nations Unies, des éducateurs... Mais le seul fait que ces enfants aient eu à rencontrer les forces les plus sombres de la vie me touchait. Et je sais que cette rencontre les hantera toute leur vie et restera à jamais une part de ce qu'ils sont. Certains de ces enfants ont été enlevés à quatre ans. Ceux que j'ai vus étaient suivis en psychothérapie pendant quatre à six mois seulement. Ensuite, on leur apprend à fabriquer du savon ou à se servir d'une machine à coudre, et puis on les lâche dans la nature. Voilà tout ce que font l'ONU et les ONG. Ces enfants ont connu l'enfer pour valoriser le prix des diamants, de l'huile, pour permettre à Wall Street de se maintenir à fl ot. Tout cela m'affecte profondément, et c'est ce qui a nourri Ezra. Le reste, c'est du cinéma".
À travers le personnage d'Ezra, le réalisateur parle de la confusion du présent et du difficile travail de la mémoire: "Je suis fasciné par la mémoire. Comment elle fonctionne, comment elle oublie ou se souvient, ses différentes strates, comment nous la reconstruisons, consciemment ou non, comment nous nous arrangeons avec elle. Ezra est porteur de tout cela. Sur un plan symbolique, je crois qu'Ezra, c'est nous. Tout le monde. Nous avons tous été effrayés par la violence institutionnalisée, drogués par les médias trop peureux. Comme Ezra, nous avons tous été trompés. Oui, Ezra est semblable à toute une génération d'enfants qui, comme lui, ont pris conscience que pendant qu'ils mourraient de faim ou à la guerre, une poignée de gens avides en profitait. Et ce qu'il y a d'ironique, c'est qu'ensuite, ce sont les mêmes gens, à travers leurs institutions, qui viennent les juger... Les guerres dans le monde peuvent être évitées, mais seulement si toutes les vies valent le même prix".