Le cinéma fantastique espagnol se dore un blason sans pareil en cette décennie mouvementée, qui voit émerger de nouveaux cinéastes en herbe amenant chacun leur style propre en créant autour d'eux de petites révolutions. Parmi ces lascars, Bayonna, qui en un film devient incontournable, car ce dernier, à sa sortie, s'est immédiatement rangé parmi les plus gros succès de l'histoire du cinéma espagnol. Succès un peu démesuré face à une œuvre si humble dans le fond tout en étant diablement ambitieuse au niveau formel. Virtuose Bayonna ? Pas autant que Cuaron, mais bon je triche, ce dernier est mexicain. Légèrement surclassé par Del Toro en tout cas. Restons tout de même objectifs, la photographie de l'Orphelinat est léchée, offrant des plans à la palette de couleur choisie et disposée avec soin. Cependant cette excellence est presque scolaire et ne se prête pas à la moindre inventivité, à l'image d'un Juan Carlos Fresnadillo dans 28 semaines plus tard. Ceci est valable pour les angles de caméra et tout le reste, c'est classiques, bien foutu, efficace (très efficace, j'y reviendrais), mais n'espérez pas y déceler la moindre touche d'originalité. Là où le monsieur tente quelques fulgurance il se vautre lamentablement dans le mélo excessif complètement indigeste (Laura courant après Simon sur la plage tandis que la marée monte, filmée en ralentit-saccadé façon 28 jours plus tard sur une musique larmoyante à souhait...c'est un peu ridicule il faut bien l'avouer, heureusement cela ne dure que quelques minutes et les autres « tâches » sont rares). Bayonna réussi plutôt en nous secouant les tripes là où on ne l'y attends pas, en mélangeant mise en scène de prime abord effrayante (auto-suggestion) puis drôle et intriguant. Le scénario est un point fort de l'Orphelinat, bien que le dénouement soit prévisible quelques minutes avant son explication, on est suspendu au fil de l'histoire de bout en bout. Et cela n'empêche pas l'émotion de nous surprendre, de nous glacer le sang et de nous nouer la gorge face à ce petit summum de cruauté dramatique. La performance de l'actrice Belen Rueda, si elle n'atteint pas le traumatisme imposé par le jeu des plus célèbres victimes du cinéma d'horreur américain (Shelley Duvall dans Shining en est le parfait exemple), permet à ce conte fragile de marcher sur le fil sans tomber, malgré des oscillations capables d'élargir quelques sourires sceptiques chez les spectateurs. Ce qui compte après tout, c'est que le film fasse peur. Et bon dieu, oui ce film m'a refilé une bonne trouille avec trois fois rien, car dans son ensemble l'Orphelinat n'est composé que de peu de scènes fantastiques au sens explicite du terme. Ce qui fonctionne le mieux c'est bien l'attente d'un événement terrifiant, lorsque la quête de Laura l'amène dans des endroits lugubres et pourtant vides ; l'ambiance fébrile, sans musique, contribue particulièrement à insuffler ce climat d'effroi. Le tout est ponctué de quelques chocs violents, et le tour est joué : vous vous retrouvez avec un sacré petit film de chocottes brillant, presque intéressant, mais qui va surtout vous donner envie de fuir l'écran des yeux. Mention spéciale à cette séquence avec la médium, aussi tétanisante que la dernière demi heure du Blair Witch Project. Ce qui est déjà formidable, au vu de la foisonnante diversité que le cinoche d'épouvante délivre en ce 21e siècle, où l'exécrable côtoie le coup de génie.