En ces années 2000, les Espagnols se sont plutôt démarqués dans le domaine des films d’épouvante. Une montée en puissance qui a pris racine en 2001 avec Les Autres, d’Alejandro Amenábar, et qui s’est vu croître petit à petit avec [REC] et Esther. Et dans ce lot qui peut se vanter d’avoir de nouveaux titres à son actif, bien que moins inoubliables (Les Yeux de Julia), il ne faut pas oublier un certain film intitulé L’Orphelinat, produit par les des réalisateurs les plus en vogues du moment : Guillermo del Toro (qui, d’ailleurs, produira plus tard Les Yeux de Julia). Un grand créateur artistique (à qui l’ont doit notamment L’Échine du Diable, Hellboy et surtout Le Labyrinthe de Pan) au service d’un film du genre indépendant, cela donne un film forcément pas comme les autres. Ou presque !
Sur le papier, L’Orphelinat n’a rien de différent. Rien que par son thème d’épouvante : l’enfant. Mais attention, pas le gosse tueur comme le propose certains films (comme Esther). Plutôt ce qui se passe autour de cet enfant. Cela concerne en général la possession (L’Exorciste), un statut d’Antéchrist qui peut provoquer la mort autour de lui (La Malédiction) ou bien des phénomènes paranormaux car l’enfant attise la curiosité d’un démon (la saga Paranormal Activity et autres Insidious). Ici, c’est plutôt une mystérieuse disparition qui est mise en cause. Celle de la progéniture d’une mère qui vient d’emménager récemment dans l’orphelinat qui l’avait accueillie autrefois et qui décide d’en faire une maison d’hébergement pour enfants handicapés. Un orphelinat qui, bien entendu, possède une histoire que bon nombre de personnes aimeraient oublier. Du coup, le thème de l’enfant se mélange à celle de la fameuse maison hantée. Déjà vu ? Oui, mais pas de cette manière !
Car il semblerait que le but de L’Orphelinat n’est pas d’effrayer. Mais de raconter une histoire flirtant avec le fantastique tout en gênant le spectateur au possible. Avec ce film, vous n’aurez pas de grandes envolées sonores en surdose qui surprennent pour vous mettre mal à l’aise. À la place, c’est une ambiance glaciale qui vous attend au tournant. Servie par de sublimes jeux de lumières (le gris étincelant du ciel, le noir peu rassurant de la nuit avec quelques faibles éclaircissements…) et une musique qui livre au film tout son côté fantastique mais également tout le travail artistique effectué. Et c’est bien là que l’on sent la présence de Guillermo del Toro à la tête du projet, tant l’atmosphère de L’Orphelinat rappelle son Labyrinthe de Pan. Ce n’est pas un film d’horreur ou bien d’épouvante. C’est un conte à la noirceur incontestable qui s’intéresse avant tout à ses liens qui unissent une mère à son fils !
Et c’est bien pour ça que L’Orphelinat peut se montrer déroutant. Car ce n’est pas exactement le genre de film que l’on s’attendait de voir avec un tel synopsis et une affiche qui peut glacer le sang des âmes sensibles. Surtout si le long-métrage en question lorgne par moment avec l’horreur en proposant des séquences propres au style horrifique. Du genre une séance médium pour communiquer avec l’au-delà, une musique inexistante qui peut retentir à tout moment selon la situation, un personnage bizarre (ici, un enfant portant un masque peu rassurant) qui surgit quand ça l’arrange, des plans sombres avec juste une faible lumière comme point de repère pour nos yeux… Tout portait à croire que L’Orphelinat serait horrifique. Mais cette touche qui aurait été bénéfique au film (pour mettre encore plus mal à l’aise que ne le fait déjà l’ambiance) s’efface justement derrière ce côté conte que L’Orphelinat met bien trop en avant. Du coup, on se retrouve quelque peu gêné mais certainement pas autant que voulu.
Mais qu’importe ! Si L’Orphelinat n’est pas le film d’épouvante efficace qu’il aurait pu être, il n’en reste pas moins un véritable bijou visuel et artistique, bien interprété qui plus est (mené par Belén Rueda, que l’on a pu voir dans le magnifique Mar adentro, d’Alejandro Amenábar) ! Permettant ainsi à Guillermo del Toro de garder son titre de créateur hors du commun (pour ce qui est des ambiances) mais également au cinéaste du film, Juan Antonio Bayona, de se faire un nom auprès du grand public. Ce qui se confirmera en 2012 quand Hollywood fera appel à lui pour diriger Ewan McGregor et Naomi Watts dans The Impossible.