Après une introduction où se mélangent l'humour absurde habituel des frères Coen et une vieille légende juive (écrite pour le film), on se retrouve plongé dans la vie de Larry Gopnik, professeur de physique quantique dans le Minnesota des années 60. Rien ne va plus dans sa vie, sa femme le quitte pour un ignoble personnage, il perd de plus en plus le contact avec ses enfants et son frère, malade et accroc au jeu, a investi la maison. Tout l'univers des Frères Coen est là : l'humour noir, qui fait que les personnages ne sont jamais pathétiques, et un sens aigu du détail qui tue (chaque dialogue est propice à donner naissance à une image, plus tard dans le film, qui fera écho à la pensée de Larry).
Il y a tout d'abord la musique (nouvelle collaboration avec Carter Burwell), lente et hypnotique : le monde dans ce quartier reconstitué pour le film (les constructions sont typiques de cette époque) peut basculer à tout instant dans le cauchemar éveillé. Et l'on suit, sur cette limite instable, des personnages toujours en quête de réponses, et la caméra, sans jamais entrer de force dans leurs vies, devient le témoin de la (dé)construction d'un homme.
Michael Stuhlbarg (dont c'est le premier grand rôle) est saisissant de vérité : un seul regard, un seul mouvement et l'on comprend toute la détresse de cet homme, tous ses doutes et toutes ses peurs.
Le film est séparé en trois parties : trois visites chez trois rabbins censés lui donner des conseils (dont un lui racontera une histoire complètement folle ("Les Dents du Goy") qui donne une des meilleures scènes (la meilleure ?) du cinéma de ces dernières années, avec du Jimi Hendrix en fond sonore, absolument génial !). Trois parties et à chaque fois les problèmes qui leur sont associés.
Le tension reste palpable tout au long du film jusqu'à la séquence finale, éblouissante, ou tout semble se densifier, se concentrer. Et alors on est convaincu que ce film est un chef d'oeuvre tant sa structure, son découpage et son propos semblent en totale cohésion avec les images.
Un grand Coen. Leur film le plus personnel, mais qui est aussi, avec The Big Lebowski, Leur meilleur.