C'est toujours la même chose avec les frères Coen : la planète ciné entière s'est mise d'accord pour les qualifier de génies et les barder des prix les plus prestigieux (une Palme d'or par ci, un Oscar par là), mais il y a dans leurs films un grain de sable, un petit quelque chose qui nous empêche d'être complètement emballé. Leur talent et leur maîtrise sont aussi évidents que le nez de Lebowski au milieu de sa figure : le nier serait aussi niais que la galerie de crétins qui orne leur filmo ("Ladykillers", "O'Brother", "Burn after reading"...). Et pourtant, quelque chose coince, voire irrite dans leur propos, leur petite mécanique d'horloger, leur distance ironique (qui confine à la sécheresse), leur facilité ricanante (qui frôle le jeu de petit malin). Manque de vie, manque d'âme peut-être. Comment, en ce cas, peut-on éprouver un plaisir sans frein à ce que tout le monde sacre immédiatement comme « chefs-d'œuvre »? Ce n'est pas faute d'essayer, pourtant, et si les Coen frôlent parfois ce nirvana ("No country for old men", leur diamant noir), ils ne l'atteignent jamais vraiment complètement, même dans les prétendus sommets de leur carrière ("The big Lebowski", "Barton Fink"), produits un peu vains et satisfaits d'eux-mêmes. En un sens, le paradoxe achève de rendre les deux cinéastes très intéressants. Et ce n'est pas "A serious man" qui va mettre fin à cette contradiction, bien au contraire : s'ils s'extirpent (temporairement) du film de genre qui fit leur gloire, Joel et Ethan Coen livrent ici l'une de leurs oeuvres les plus abouties, ayant trouvé, dans cette chronique simple d'un homme simple, une miniature permettant de concentrer leurs effets pour leur donner plus d'impact. La quintessence de leur art, en somme...
(la suite de la critique sur mon blog : http://mon-humble-avis.blogs.allocine.fr/)