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Bertie Quincampoix
103 abonnés
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4,0
Publiée le 18 octobre 2020
Longtemps resté inédit en France, ce film de la « nouvelle vague japonaise » sorti en 1969 est bluffant à bien des égards. Témoignage incroyable du Tokyo drag, queer et contestataire des années 60, Les funérailles des roses est aussi une œuvre d’une liberté formelle époustouflante, qui adopte un récit non-linéaire et s’essaie à toutes sortes d’expérimentations, mêlant le réel à la fiction et embrassant par moment le cinéma documentaire. Parfois un brin trop long, ce film qui oscille entre comique et tragique nous emporte de par son époustouflante modernité de ton. Tout simplement remarquable.
Dire que le premier long-métrage de Toshio Matsumoto est expérimental aurait de quoi faire glousser ses plus grands fans. Il y a dans le film quelque chose d’hybride qui amène à la fascination, comme si le portrait de marginaux que dresse son réalisateur avait besoin de partir dans plusieurs orientations pour mieux exploser aux yeux de son public. On retrouve ainsi un jeu permanent sur le montage, aussi bien sonore que visuel, provoquant une perte de repères au final des plus grisantes. Mais si le film est passionnant d’un point de vue artistique, il l’est également d’un point de vue sociétal. Il traite ainsi d’une forme de tabou derrière l’aspect conservateur du Japon d’époque. L’origine documentaire du réalisateur se reconnaît par quelques séquences qui ne font que souligner cet état des lieux d’un pays tiraillé par ses doutes et une forme d’interdit pourtant bien ancré dans celui-ci. La frustration de ne pas pouvoir totalement s’établir comme soi nourrit l’ambiance du film et nous place encore plus dans une position d’incertitude sur notre rapport au métrage. Cette épaisseur de fond enrichit encore plus la forme hypnotisante qu’adopte Matsumoto. « Les funérailles des roses » est donc le genre d’œuvre qui déconcerte, détruisant toute forme de construction habituelle ou toute autre attendue pour verser vers une forme de transe d’une heure quarante-huit, semblable à un voyage vers l’inconnu qui ne peut qu’amener à une forme d’enivrement cinématographique. La question n’est donc pas de savoir si ce film est de qualité (oui, et des personnes bien plus expertes que moi vous le diront) mais si vous êtes prêts à prendre ce chemin vers l’inconnu que propose Matsumoto…
Un chef d’œuvre !!!! Je ne comprends pas que le film ait pu ne pas sortir en France... Ce film est esthétiquement absolument révolutionnaire tout en étant plein de références à la nouvelle vague française (on ne peut pas ne pas penser à Godard !). On reste scotché pendant toute la durée du film, tellement les images sont belles et les liens se tissent naturellement autour d'un personnage central et ô combien révolutionnaire ! Décrire avec tant d'amour le corps et les aventures d'êtres à la marge à l'époque... dans les années 60... le tout sans chercher le subversif à tout prix. J'ai adoré les moments de témoignage sur le travail d'acteur/actrice qui révèle sans en avoir l'air spoiler: l'inceste dont on se rendra compte quelques minutes plus tard ... Un réel chef-d’œuvre, je suis heureuse d'avoir pu voir ce bijoux de cinéma, qui aurait pu être relégué aux oubliettes.
Des roses, un bar gay, des travestis, des roses. Un film érotique qui se tourne, un ménage à trois, un jeune qui tué ses parents et des poèmes français. Tout cela au milieu des roses à la beauté fragile comme ces hommes travestis. Un ensemble totalement hétéroclite bien que le mot soit faible pour le décrire. Surprenant au niveau du style et de la construction et quelque peu opaque il faut bien l’avouer avec sa fin sanguinolente!!
Premier long métrage de Toshio Matsumoto, Les Funérailles des roses est un étrange film à la limite de l'expérimental. En effet, le cinéaste joue avec tous les codes de la narration cinématographique : narration éclatée (certaines scènes sont répétées et expliquées beaucoup plus tard) et entrecoupée d’interviews rapprochant le tout du documentaire, accélérés, jeux sur le montage et sur la musique, travail sur l’image (on se retrouve même avec des images figées où apparaissent des bulles pour indiquer les dialogues)… Le délire est total dans ce film appartenant à la Nouvelle Vague japonaise et rompant avec les traditions tout autant que les personnages qu’il évoque. En effet, le cinéaste ose prendre pour sujet des travestis et des homosexuels dans une société aussi conservatrice que le Japon. Toutefois, si le délire est très plaisant pendant 30 minutes ou une heure, on peut le trouver un peu trop long sur 1h45. Les Funérailles des roses est tout de même une œuvre à voir car elle possède de nombreux points intéressants d’un point de vue cinématographique et sociétal mais est le type de film qui déplaira au spectateur qui cherche avant tout à assister à un divertissement.
Avis personnel. Une très bonne surprise. Même si la production est multi-nationale, on trouve ici l'une des spécialités de l'humour "british": réussir à faire du drôle sérieusement avec un sujet dramatique et même macabre. Le film est presque un huis-clos dans la maison du défunt et je crois que cela donnerait vraiment une pièce de théâtre désopilante si on en faisait l'adaptation. Une sarabande de personnages tous plus ou moins barrés s'activent partout à la fois mais on ne perd jamais le fil des sous-histoires qui se développent et s'entremêlent au fil du temps. Impossible de détailler tous les protagonistes: ils sont trop nombreux à sortir du lot et à tenir un rôle important d'une manière aussi efficace que percutante. Un demi-point de moins pour une scène que j'ai trouvée vraiment superflue dans le climat et l'ambiance du film: spoiler: scène scato avec l'oncle Alfie . Cela n'apportait rien d'autre selon moi qu'une inutile note de mauvais goût. Sinon, un petit bijou que je reverrai certainement avec plaisir.
Peter Vaughan (VF : Richard Leblond) : l'oncle Alfie
Vous êtes las des fictions naturalistes jouées et tournées par dessous la jambe, comme {Deux fils}. L'académisme bien-pensant de {L'Ordre des médecins} vous laisse tiède. Le filon de {Bienvenue chez les Ch'tis} et de {Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?}, trop exploité, vous fait bailler. Alors changez carrément de registre en allant voir {Les Funérailles des roses (Bara no sôretsu)}, tourné en 1969 par Toshio Matsumoto, et inédit en France jusqu'à cette semaine.
Le travesti Eddie, interprété par Peter (de son vrai nom Ikehata Shinnosuke), est la {drag queen} la plus populaire du bar gay {Le Genet}, ainsi nommé en référence à Jean Genet. Le film est d'ailleurs plein de références à la culture française, de Déodat de Séverac à René Daumal, à commencer par les vers de Baudelaire en exergue :
Je suis la plaie et le couteau ! Je suis le soufflet et la joue !
La sous-maîtresse du {Genet}, Leda, un travesti sur le retour, est jalouse d'Eddie, qui effectivement couche avec Gonda, son amant, proxénète et trafiquant de drogue (interprété par Tsuchiya Yoshio, un des {Sept samouraïs} de Kurosawa Akira, cependant que le rôle de Leda est tenu par Ogasawara Osamu). Au fil d'une narration désarticulée, interrompue de séquences documentaires, de ruptures chronologiques et de digressions diverses, nous apprenons le drame sanglant du passé d'Eddie, transposition du mythe d'Œdipe, évoqué par la présence de l'affiche du film de Pasolini {Œdipe roi}. Mais on peut penser à d'autres films de l'avant-garde européenne des années 1960, {L'Année dernière à Marienbad}, {Vivre sa vie} ou {Bande à part}. Les images en noir et blanc assez dur, les cadrages, le montage sont magnifiques.
L'action se déroule à Tokyo, dans la communauté homosexuelle autour du bar gay "Genet" dont Leda, une travestie sur le retour, assure la gérance. Gonda en est le propriétaire. En cachette de Leda, il a une liaison avec un jeune travesti Eddie.
Longtemps inédit en France, "Les Funérailles des roses" ressortira sur nos écrans le 29 août mais était diffusé hier soir au Reflet Médicis en avant-première dans le cadre du réjouissant Festival du film de fesses.
C'est une œuvre expérimentale, à mi-chemin du documentaire et de la fiction. Il s'agit d'abord d'une plongée quasi-ethnologique dans la communauté homosexuelle de Tokyo. Cette dimension-là est peut-être la plus intéressante du film et on regrette qu'elle n'ait pas été plus développée. On y constate une mondialisation avant l'heure : celle qui caractérisa les années soixante partout dans le monde, qu'il s'agisse de la musique, des vêtements ou de la libération sexuelle. Mais on y découvre aussi combien le regard sur les homosexuels a changé : les questions posées aux travestis naturalisent l'homosexualité en en faisant une maladie dont on pourrait se soigner voire une tare dont on devrait s'affranchir.
"Les Funérailles des roses" est par ailleurs une œuvre expérimentale - qui aurait dit-on inspiré Kubrick pour tourner "Orange mécanique" deux ans plus tard. Une œuvre en noir et blanc qui mélange l'humour et le trash. Une œuvre qui entend cultiver avec le spectateur une distanciation toute brechtienne grâce à des inserts de textes ou d'images. Une œuvre qui ne se soucie pas de linéarité, mélangeant les scènes, effectuant des flashbacks inattendus - et volontiers incompréhensibles. Une œuvre qui, s'il fallait lui trouver un thème, modernise pour mieux le travestir le mythe d'Œdipe dans ses toutes dernières minutes, particulièrement impressionnantes.
L'expérience, trop longue d'une vingtaine de minutes, peut décontenancer. Le cinéma de l'époque cherchait volontiers à le faire à force de surenchères esthétiques et narratives. Il y arrivait souvent ; il y arrive encore.
Film fascinant, intéressant, un style expérimental, frôlant parfois le documentaire. Matsumoto n'est jamais aussi bon que dans les plans expérimentaux qui sont les plus intéressant du film.