La plupart des spécialistes en conviennent, la plus belle Coupe du Monde fut celle de Mexico en 1970, avec des matchs d'anthologie comme la demi-finale Allemagne-Italie, et le bras en écharpe de Beckenbauer. Pour les Brésiliens, parmi les cinq coupes remportées, celle-ci a un goût particulier, parce que c'est la troisième et dernière de Pelé, qu'elle leur a valu l'attibution définitive de la coupe Jules Rimet, et qu'accessoirement la demi-finale contre l'Uruguay effaçait le traumatisme de la défaite à la maison lors du match décisif de 1950.
Décidément, dans ce continent sud-américain, le football offre un cadre rêvé pour les paraboles ; après l'argentin "El Camino de San Diego", voici donc une nouvelle chronique sur fond d'opium du peuple, comme le montre la scène où les communistes qui regardent le premier match de la selecao applaudissent mollement au premier but de la Tchécoslovaquie, symbole de la supériorité socialiste, et éclatent de joie quand Rivelino égalise 12 minutes plus tard. Scène très plausible, si je me souviens de la désertion de la fin de la manif pour le boycott de la Coupe du Monde en Argentine en 1978 afin de ne pas rater le but de Lacombe contre l'Italie à la 1ère minute...
Car la situation était le même huit ans plus tôt : d'un côté la plus belle équipe auriverde jamais vue, d'un autre côté la pire période de la dictature militaire, marquée par une terrible répression que fuient les parents de Mauro. Si en Yougoslavie on prétend que Papa est en voyage d'affaire, au Brésil on dit que les parents sont en vacances. Le départ se fait dans l'urgence, et la famille s'entasse dans la coccinelle bleue, oubliant à la maison les précieux goals du football-puce de Mauro. C'est cette précipitation qui explique que les parents ne se donnent même pas la peine de monter jusqu'à l'appartement du grand-père, sans se douter que l'ambulance qu'ils venaient de croiser transportait son corps.
"L'Année où mes Parents sont partis en vacances" présente un double aspect : d'un côté l'histoire racontée en évoque plein d'autres, du "Vieil Homme et l'Enfant" à "Momo d'Auber", d'autant que le procédé narratif choisi, celui de la voix off de Mauro adulte, a été particulièrement utilisé ces derniers temps, dans "Les Berkmann se séparent" ou dans "C.R.A.Z.Y.". D'un autre côté, le contexte de la Coupe du Monde et l'immersion du goy Mauro dans la communauté juive de Sao Paulo permettent de renouveler le genre, et offrent quelques scènes savoureuses, comme le derby entre les Italianos et les Judeos, dont le gardien est noir et se signe avant le pénalty, ce qui n'empêchent pas le rabbin d'exulter quand il arrête le tir.
Les petits traffics de la débrouillarde Hanna, les réunions de la communauté convoquées à la demande d'un Shlomo dépassé par l'apparition de celui qu'il appelle Moishele, le petit Moïse, ou les relations entre les voisins des différentes communautés, bref tout ce qui relève de la chronique ironique, tout cela fait mouche. Par contre, l'aspect plus tragique de l'histoire ne prend pas vraiment, la faute sans doute à un rythme trop syncopé et à un symbolisme parfois trop visible (mise au point sur la barbelé au premier plan, puis sur la voiture des parents, camera tressautante lors de la descente de la police militaire...).
Petit film aux couleurs sépias du souvenir, à mi-chemin entre le film pour enfants et le témoignage pour adultes, "L'Année où mes Parents sont partis en vacances" vaut surtout comme une chronique affectueuse sur la vie de gens si exotiques et si proches à la fois.
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