Une relecture audacieuse, glauque et singulièrement subversive du renommé mythe de Frankeinstein dont les deux versants sont traités avec une même pertinence : celui de la créature, et son créateur. Le pitch scénaristique ? Pour trouver de nouvelles molécules, une équipe de généticiens fabrique deux bestioles de synthèse, un mâle et une femelle. La société pharmaceutique dont dépend le labo décide cependant d'arrêter les recherches, autant par crainte d'un scandale bioéthique que par nécessité financière, et de passer directement à la production en série de médocs révolutionnaires. Or, les deux principaux scientifiques, qui forment par ailleurs un couple, ne l'entendent pas de cette oreille, et ajoutent de l'ADN humain à leur précédente expérience. A l'insu de leurs collègues et de leurs commanditaires, ils observent donc l'évolution du curieux hybride ainsi créé, qui manifeste une croissance accélérée. Ici, nulle intervention extérieure dans le récit, ce dernier épousant les sentiments successifs éprouvés par les personnages vis-à-vis du bébé mutant, au fil d'un script maitrisé. Au départ, l'homme jette un regard clinique sur le monstre que sa compagne, affectée d'un rapport problématique à la maternité, a au contraire tendance à traiter comme son propre enfant. Mais cette relation mère-fille bat de l'aile quand la crise d'adolescence commence à travailler les hormones d'un hybride de plus en plus humanoide, qui va s'employer à séduire son père putatif. Ce ménage à trois d'un nouveau genre doit bien sûr sa réussite à la qualité de l'interprétation. Et les détracteurs d'Adrien Brody devront reconnaître qu'il s'est ici débarrassé de tous ses tics les plus encombrants, aux côté d'une Sarah Polley impliquée. Cela dit, on saluera avant tout le culot de de Delphine Chanéac, qui a accepté un rôle intégralement muet et s'est pliée à la discipline des effets spéciaux pour incarner une créature au design aussi inspiré que troublant. Bref, on a là affaire à une véritable œuvre de science-fiction au sens propre, et pas seulement parce que l'histoire touche au sujet brûlant de la thérapie génique. Chaque rebondissement résulte d'éléments scientifiques, et de l'attitude adoptée par les personnages quant à leur expérience. "Splice" fait partie de ces films qui fascine et déstabilise. De ces films qui ont su se créer une place à part dans le cinéma de genre. Une belle et franche réussite de ces dernières années malgré, il est vrai, certaines scènes un peu surréalistes.