Tout part d'un roman écrit par le Français Pierre Boulle, également connu pour "le Pont de la rivière Kwaï", qui fut transformé par Rod Serling, auteur de la célèbre série TV la 4ème dimension. Il modifie l'histoire plus complexe en un brillant conte subversif, une allégorie sur l'humanité qui démontre ce que pourrait être le monde si l'homme et le singe avaient échangé leurs places. Le discours philosophique est percutant et surprenant, il relativise l'ascendant que l'homme a pris sur le règne animal et sur la nature en général, l'obligeant à commettre des actes contre nature. Ce qui surprend dans le film, c'est que au-dela de l'inversion des rôles, les singes, qu'ils soient chimpanzés, gorilles ou orang-outangs, vivent de façon primitive malgré leur évolution ; ils imitent l'homme dans ses actes, connaissent la violence et la trahison, reproduisent les mêmes folies raisonnables, mais utilisent des outils et des objets rudimentaires, et habitent dans des sortes de cavernes aménagées. Derrière l'aspect original de l'entreprise, il y a le côté spectacle, et à ce titre, le film est passionnant, avec de très belles images tournées au début juste après l'amerrissage du vaisseau, dans les environs du lac Powell dans l'Utah, paysage suffisamment désolé pour figurer la Zone Interdite. Un mot aussi sur la musique de Jerry Goldsmith, de style expérimental, très réussie dans les scènes de chasse à l'humain, avec des cornes mixées à des cordes et des instruments peu usités. Mais le plus gros défi fut de convaincre d'abord les producteurs de la Fox puis le public qu'un tel sujet n'était pas risible par la représentation des singes joués par des acteurs ; ça pouvait en effet être très risqué. La Fox décide donc de mettre le paquet en faisant construire sur leur backlot des décors en dur (qui reserviront pour les suites), et surtout en engageant John Chambers, expert en prothèses en tout genre. Il mit au point une substance spéciale à base de mousse de caoutchouc pour élaborer des masques confortables pour le visage des acteurs, mais dont le seul inconvénient était la pose qui pouvait durer de 3 à 5 h. Du coup, acteurs et figurants devaient garder les maquillages toute la journée, en s'alimentant avec des repas liquides. Ce travail remarquable sera bien justement récompensé par un Oscar. Pour tous ces éléments, la Planète des singes est devenu un grand classique de la SF, une date importante dans la carrière de Charlton Heston, il a permis aussi à Roddy Mcdowall d'être mieux connu (alors que son visage est caché par un masque, mais il inventera une série de mimiques typant chaque singe) ; il endossera le rôle de Cornélius dans les films qui suivront et aussi dans la série TV de 1975, mais le film a marqué les esprits aussi par son final absolument renversant, que la nouvelle jaquette du DVD a hélas fini par spoiler. Je me souviens de la première fois où j'ai vu ce plan final, à la fin des années 70, c'était la stupéfaction totale, l'une des fins les plus célèbres de l'histoire du cinéma, dans un très grand film.