Inutile de se voiler la face, le cinéma hong-kongais est à la fois le plus prolifique du moment, mais aussi le plus surprenant et le plus original. Première historique pour le cinéma, ce film sous forme de cadavre exquis trouve une forme totalement homogène dans sa qualité, et ce grâce au statut de maître des trois réalisateurs. Si la patte de chacun peut être distinguée par les connaisseurs, d'autres pourront n'y voir que du feu et suivre ce film du début à la fin d'une façon continue. Alors oui, le scénario est quelque peu complexe, Tsui Hark ayant voulu donner un maximum d'informations en un minimum de temps (et il y apparaît ensuite une forme onirique très légère et agréable). Cela dit, si vous pouvez vous concentrer deux minutes et faire un peu plus d'efforts qu'un légume, tout est parfaitement compréhensible. Hark réalise son segment en toute simplicité, avec du style et de l'énergie mais sans prouesses particulières (ce qui n'est pas un reproche). Lam contemple comme il sait si bien le faire, de façon ultra pessimiste. Son segment est plus calme que celui de Hark, bien plus sombre, révélant que le réalisateur ne se fait absolument aucune illusion sur l'homme. Enfin, la partie de Johnnie To, la plus critiquée, n'est pas en dessous des deux autres, le maître hongkongais orchestre une prouesse visuelle incroyable, esthétiquement irréprochable, entre son utilisation tantôt rapide tantôt nette et ralentie du montage, et ses directions d'acteurs grâce auxquelles ceux-ci sont muets, et font tout passer en subtilité dans leurs expressions physiques. Incontestablement sensible et intelligent, Johnnie To n'a pas à souffrir de critiques plus que d'autres, son segment n'étant pas le moins du monde parodique ou même comique. C'est toute une histoire de morale et de rédemption en ce qui concerne les personnages. Le cinéma hongkongais refuse encore et toujours de se conformer au cinéma mondial, et son originalité en fait le plus intéressant du moment.