Premier cadavre exquis cinématographique, ce triangle savoureux bénéficie à la fois de trois réalisateurs différents, mais aussi de trois atmosphères et trois visions du genre (le film d'action chinois). En initiant la partie, Tsui Hark offre un segment assez classique, reprenant les thèmes de prédilection de ces précédents films, tout en appuyant peu à peu sur l'accélérateur pour faire aller la pression ; après quelques longueurs dans le début à cause d'une propension à éliminer trop rapidement des scènes-clés pour la compréhension globale de ce qui va se dérouler, le film décolle et culmine dans des sommets (la course-poursuite en voiture est immense), porté par un impeccable ensemble de comédiens (excellents d'un bout à l'autre du projet). Ensuite, Ringo Lam continue cette histoire d'amitié faussée en créant une ambiance suave et oragée, dans laquelle chaque scène prend un tournant imprévisible - et c'est d'ailleurs le but général de ce triangle - . Sans savoir où le réalisateur va nous amener, le deuxième segment paraît probablement le plus abouti, car il est le seul à jouer totalement la carte de la surenchère au second degré, à lier humour et émotion, burlesque et tragique. Sa mise en scène dépeint avec maîtrise une ville effervescente où se joue une course-poursuite dont chaque moment résonne comme l'inattendu. Ensuite, et même si le scénario s'est déjà perdu en cours de route, Johnnie To débarque dans le plus difficile des segments, celui qui consiste à refermer la boucle, à conclure une histoire qui a déjà pris une ampleur et un trajet absurde. Comme Tsui Hark, on reconnaît de suite la patte du cinéaste, qui lui aussi remixe une partie de ces thèmes favoris, jusqu'à une anthologique scène de sacs d'une vingtaine de minutes. Avant cela, on peut remarquer une tendance proche de son dernier film à être sorti en salles, "Exilé", avec éclairage chaud dans les recoins sombres, soleil impudique et amitié éternelle. On sent donc une approche personnelle et stylisée