C'est un film violent que John Hillcoat nous délivre là, tant par son esthétique, brute (et pourtant exceptionnelle) que par les questions qu'il aborde, au travers surtout des dialogues père/fils. Disons le tout de suite: Viggo Mortensen impressionne dans ce rôle: son regard, tout le long du film, en dit beaucoup sur le personnage. Oui, il est nostalgique, oui il
a perdu sa femme
, oui il avait une vraie vie avant, mais il fera tout pour que son fils vive enfin ce que lui a vécu avant la catastrophe. Les traits tirés, le regard hagard, il continue inlassablement de marcher, avec le poids du passé sur le dos, mais avec son fils à ses côtés, sa seule raison de vivre. Il n'a plus d'espoir, il sait qu'il n'est pas un "good guy", qu'en fin de compte, il n'est qu'un survivant parmi tous les autres (même si certains n'ont plus du tout aucune notion de la morale). L'individualisme a reprit ses droits. Pourquoi à tout prix survivre ? Pourquoi refuser la mort ? Ce sont des questions qu'on pourrait se poser.
Pourquoi les bandits chassent-ils d'autres survivants afin de constituer des réserves de nourriture humaine ?
L'humanité est-elle tombée aussi bas ? Il n'y a plus de bien ou de mal, juste des individus qui représentent tous un danger potentiel. Le père n'est pas moins dangereux que le bandit, seules leurs intentions divergent. Côté esthétique, c'est plus que réussi. La beauté qui se dégage de ces paysages de désolation est tout simplement exceptionnelle ! On prendrait presque en pitié la nature partie en fumée (c'est le cas de le dire). 10 ans après la catastrophe, la nature ne semble pas vouloir renaître de ses cendres. Au contraire, elle continue à se consumer, petit à petit. La route restera un des vestiges de l'humanité. La bande son complète ces scènes de désolation. Parfois calme, mélancolique (avec "The Road", "Home"), elle s'aventure dans la folie humaine avec "The Cannibals". La voix-off de Viggo, douce, calme, avec le thème du film "The Road" délivre des émotions presque jamais atteintes au cinéma. C'et beau, c'est doux, et ce n'est pas surfait. L'expérience sensitive est réussie. Pas besoin de paroles. Les regards suffisent. Et je trouve que cela correspond parfaitement à la structure du texte du livre de Mc Carthy. Peu de paroles. Tout est imagé. Il y a plus de pensées que de paroles. J'ai adoré personnellement le fait qu'on entende bien le caddie rouler. J'ai trouvé que cela renforçait cette impression de non-vie et de vide, ce qui n'est, bien sûr, qu'une impression. Si on fait dans la philosophie, on peut voir que le père et le fils ont une conscience bien distincte des choses. Le père a conscience des belles et des bonnes choses alors que l'enfant n'a rien connu d'autre que la désolation, la route quoi... C'est ce qui est dur pour le père justement, le fait d'avoir eu une vie, d'avoir partagé de bons moments avec sa femme, et de se retrouver maintenant dos au mur du jour au lendemain. En résumé, ce film est d'une puissance émotionnelle extraordinaire, et ne laisse pas indifférent. Ayant lu l'oeuvre de Mc Carthy, je regrette qu'Hillcoat n'ait pas emmené nos deux personnages vers des lieux cités dans le livre. Mais, quoi qu'il en soit, on ressort de ce film troublé, à la fois triste et heureux, avec de nombreuses questions en tête dont celle-ci: Et si c'était nous ? Que ferions-nous ?