Pas besoin d’être un grand spécialiste de littérature américaine pour avoir déjà entendu le nom de Cormac McCarthy, qui en est un des représentants les plus éminents. Côté cinéma, son nom était jusqu’ici associé au triomphe oscarisé des frères Coen No Country for old men, un polar très américain, dur et sec. C’est un autre de ses romans que lui a valu le prix Pullitzer : La route est un livre âpre, hermétique, complexe. Plus que l’histoire ou encore l’évidente réflexion philosophique sur la fin du monde, c’est le style extraordinaire le l’œuvre qui la rend unique. Une écriture sèche, une narration contemplative et interminable, et des dialogues qui se limitent en grande partie à des échanges entre un père et son fils. Difficile d’y voir la moindre chance d’adapter correctement le morceau à l’écran. Et pourtant, John Hillcoat, petit réalisateur indépendant australien, s’y est risqué.
L’apocalypse a eu lieu. Les forêts ont brulé, les villes ont été dévastées et les quelques groupes de survivants se cachent pour échapper au froid, à la violence et aux groupes de cannibales qui sévissent. Un père et son fils tentent de fuir la rigueur de l’hiver en rejoignant la mer et le sud, en traînant un chariot.
Comment aborder une œuvre de ce calibre ? Par la modestie assurément. John Hillcoat semble à chaque moment désireux de respecter profondément ce qu’il met en image en essayant de retranscrire très précisément cette ambiance d’apocalypse. Artistiquement c’est d’ailleurs très réussi : sans noyer l’image sous des effets spéciaux tapageurs, le film évolue dans des décors sobres et profondément déprimants : pas de soleil, peu de végétation, du béton à l’abandon, le tout enveloppé dans une très belle lumière grise et morne. Sur l’ambiance et la description de la (sur)vie post-apocalypse, l’adaptation est plutôt fidèle : l’homme se retrouve confronté à satisfaire uniquement ses besoins principaux : dormir, se protéger, et surtout manger. La quête de nourriture est perpétuelle, et souvent infructueuse. Chaque étranger est potentiellement un ennemi. Chaque maison, chaque magasin peut être dangereux. On sait gré aux scénaristes de ne pas avoir essayé d’étoffer une histoire narrativement assez pauvre, l’intérêt est ailleurs.
Mais le film ne peut que décevoir un peu : l’humilité dont fait preuve toute l’équipe la dessert parfois, le livre d’image est réussi mais on ne ressent pas le même coup de poing dans le ventre. Le réalisateur se contente parfois un peu facilement d’appuyer la description de la tension perpétuelle et de la sauvagerie des survivants en passant à côté de la partie la plus forte, mais aussi la plus difficile à traiter: les réflexions et la trajectoire de l’enfant. A l’exception des scènes finales, vraiment bouleversantes, on est séduit mais rarement pris à la gorge. Et si Viggo Mortensen, qui joue le père, est comme d’habitude irréprochable, on peut être un peu plus déçu de la performance de son jeune collègue, qui ne parvient pas à retranscrire toutes les nuances du personnage
L’exploit n’a pas été réalisé, La Route restera quelque part inadaptable, ce qui n’est pas une raison pour ne pas aller voir ce film très honnête, et ce qui doit être une raison pour découvrir le livre
http://dh84.over-blog.com/