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Flavien Poncet
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2,5
Publiée le 3 mai 2008
«Manufraktur» (Autriche, 1985) de Peter Tscherkassky révèle en trois minutes le corps du cinéma, le dépouille de son apparat pour en exposer la conscience. D’une esthétique expérimentale empruntée à l’impressionnisme français des années 1920, le court-métrage pousse un peu plus loin l’évocation d’une vitesse salvatrice autant que mortifère. Voitures et grande allure parsèment les images balbutiantes, qui se répètent, bégaient en rythme composant une cantique bourdonnante, à l’image de «Le miroir à trois faces» d’Epstein. Tscherkassky fuit la stabilité, cherche l’inéfable, l’Idée. De l’Idée, il trouve celle du cinéma comme phénomène physiologique. Les vingt-quatre images par seconde ne deviennent plus le cours consensuel de l’illusion. Tcherkassky cherche à ouvrir la brêche de l’hallucination cinématographique pour faire ressentir le défilement successif des images. Une fois rêvélée, dès les premiers instants, la vérité de l’écriture du mouvement se fait jeu enfièvré. La cadence crescendo des images qui s’accélerent, comme si la fréquence des images explosait de son carcan, délivre une puissance contenue en-deça de chaque image de cinéma . Bien que réalisé en 35mm, bien qu’asujetti nécessairement au rythme mécanique de la projection, le film veut vider les images de leur prison. Dans la facture automatique qui régi le cinéma, Tscherkassky brise le régime systématique d’une fracture métrique. Pour autant, ce n’est pas d’un seul tempo que Tscherkassky révèle l’ontologie de la projection. Lorsqu’au centre du court-métrage, l’emballement semblent se stabiliser, lorsque le son appaise le débit des images, ce n’est que pour relancer la folle liberté du ton. Quant à la grisaille des images, l’archaïsme des photogrammes, elle désavoue le film de son appartenance contextuelle. Au vue du film, quel indice témoigne de sa période de production ? Tscherkassky scrute l’intemporel dans les abymes, ambition suprême canonique qui motive le cinéma expérimental.