Ca se regarde avec plaisir et intérêt, et ça tient à l’évidence une place à part dans l’histoire du western, mais ce n’est pas, à mon avis, le chef d’œuvre si souvent vanté. Peckinpah est virtuose, et son parti pris réaliste (si on accepte le sang couleur ketchup), cherchant à démystifier l’univers de l’ouest en lui redonnant toute sa violence et toute sa sauvagerie est intéressant. Maintenant, filmer des tueries, même avec talent, ne saurait suffire à faire un film. Et c’est en fait le reste qui fait aujourd’hui l’essentiel de l’intérêt de "La horde sauvage". Ce cocktail de camaraderie et de chacun pour soi qui à la fois fédère et sépare les membres de la bande de Pike. Cette description extrêmement vivante et colorée du Mexique, de ses militaires scélérats, ivrognes et corrompus, de ses villages chaleureux en dépit de tous les malheurs, de sa musique, de ses femmes, de ses enfants. Ces héros vieillissants (même si Peckinpah est loin d’être le premier à traiter ce thème) et finalement attachants. Cet humour grinçant, cette ironie omniprésente, d’autant plus efficace qu’on sent bien qu’à tout moment, un rien peut suffire à tout faire basculer dans la tragédie. Une séquence d’anthologie : le vol du train, génialement filmé. Les comédiens sont excellents (on y retrouve ce bon Edmond O’Brien, que j’avais tant admiré dans "L’Homme qui tua Liberty Valance", et qui est toujours aussi génial). Malgré tout, l’ensemble fait son âge et n’atteint jamais ni la grandeur héroïque des westerns hollywoodiens de l’âge d’or, ni le lyrisme éperdu et la perfection formelle des meilleurs westerns italiens. Ultime tentative américaine de redonner un souffle à un genre qui se meurt, "La horde sauvage" témoigne aussi, involontairement, du caractère inéluctable de ce déclin.