Difficile, la critique de ce film est. La première chose qu'on peut en dire, c'est qu'il ne faut pas le mettre à la portée de n'importe quel public. Le film nous dépeint admirablement les excès que l'on peut trouver dans le monde boursier, et certaines scènes sont plus proches de l'orgie que d'autre chose. Sans parler que l'histoire se concentre sur un être profondément amoral, ce qui fait que les images véhiculés et les détails présents à l'écran peuvent choquer très rapidement. Que ce soit la drogue, l'alcool (encore que, à la limite, ça passe pour ça), le sexe, l'arnaque financière...On a droit à tous les travers ou presque de notre société. Seul la violence gratuite est mise en de côté, enfin si on peut dire ça comme ça. On a parlé de la surenchère que faisait ce film sur certains sujets, je pense que celle-ci permet justement de mieux dénoncer ce milieu : si c'est réellement vrai, alors on a de quoi s'inquiéter et on doit agir ; si c'est exagéré, cela permet de le dénoncer de façon plus efficace
Non, ce film est vraiment à prendre avec beaucoup de recul, malgré le ton de la comédie clairement mis en avant pour aider à mieux faire passer la pilule. Mais il n'en reste pas moins que ce film est une nouvelle un grand cru de la part du duo Scorsese/DiCaprio. L'histoire dénonce clairement l'histoire de ce pauvre type, complètement accro à l'argent, qui a entubé tout le monde pour pouvoir se faire un max de pognon et délaissant peu à peu sa propre vie. Ce qui le rend profondément pathétique. Le film est extrêmement long : plus de trois heures. Et si les deux gros premiers tiers passent finalement assez bien, voire même très bien, il n'en reste pas moins que la fin commence à traîner en longueur. Non pas parce que le film commence à faire long, mais plutôt parce qu'on sait dès le début comment tout ça va se finir, et on constate avec pitié ce pauvre type qui s'enfonce, et qui s'enfonce et qui s'enfonce toujours plus jusqu'à la dernière scène où on il nous fait vraiment pitié. Un pauvre type qui se retrouve tout en bas de l'échelle et qu'on a envie d'y laisser parce qu'il ne mérite rien d'autre de notre part.
Mais le plus malheureux dans tout ça, c'est tout les gens qu'il a conduit avec lui dans sa chute. Certains ont eut l'occasion, ou l'intelligence, de l'abandonner avant qu'ils ne soient trop tard. Le type finit d'ailleurs par être seul. Et pourquoi cela ? Le film nous le montre clairement à plusieurs reprises : ce type est complètement déconnecté de la réalité, totalement corrompu par son addiction à l'argent. Certaines scènes en sont de parfaites illustrations. C'est donc l'histoire d'un type au fond profondément seul, qui s'entoure de personnes qui finissent toutes par le trahir (volontairement ou non) ou à l'abandonner à son triste sort. C'est ce qui rend la dernière scène si pathétique et qu'on a pitié de ce pauvre type qui n'a eu que ce qu'il méritait.
Le ton de la comédie adopté par le film permet donc de dénoncer tous les travers de ce monde accro, tout en étant dans la tête du personnage principal, ce qui permet donc aussi de montrer d'autant plus qu'il est complètement déconnecté. Ces actions nous le font très vite comprendre, mais les plusieurs passages en voix off ne font que le confirmer d'avantage. On se met donc à la place de cet agent du FBI, qui fait son job, qui aurait aimé/voulu faire plus dans la vie, mais qui est finalement beaucoup plus heureux que richard qu'il essaye de coffrer et veut tenter de sortir de là.
Ce film est également l’éventail d'un nombre impressionnant de personnages, tous plus consistant les uns que les autres. Les deux femmes du personnages principales, qui marquent parfaitement les deux facettes, les deux moments de sa vie ; la première qui lui donne pourtant les fondements de ce qu'il deviendra dans l'avenir, et la seconde qui le comble au bout d'un temps et puis il commence à en être accoutumé et la traitre comme sa propriété, ne voyant pas que c'est une personne. On a également son groupe d'amis, tous doué dans leur domaine, tous plus accro les uns que les autres, mais on retiendra surtout son bras droit qui finira par accumuler tellement de bourdes qu'il causera leur perte, et ça aurait pu être bien pire.
On retiendra également le banquier suisse fourbe et escroc jusqu'au bout, trempant dans tellement de magouilles qu'on se demande comment il a tenu si longtemps. Ou encore le père du personnage principal, qui essaye d'être le garde-fou de son empire, mais qui se fait très rapidement débordé. Ou encore la tante britannique très perspicace qui n'hésite pas à aider son beau-neveu de façon plus ou moins honnête. Mais le personnage secondaire qu'on retiendra sans aucun doute le plus, c'est le mentor de notre personnage principal : un personnage qu'on ne voit que 5 ou 10 minutes, qu'on distingue très vite comme pas net et pourtant celui peut-être le plus lucide sur le monde de la finance, son fonctionnement et son système.
Des personnages tous très variés donc, servis par une excellente pléiades d'acteurs. Tous sont vraiment très bons, voire parfaits dans leurs rôles respectifs. On retiendra néanmoins Matthew McConaughey, qui est vraiment extra dans son rôle (peut-être la meilleure prestation du film) ; ou encore Jonah Hill qui m'a agréablement surpris dans un rôle qui lui convient parfaitement tout en étant légèrement différent de ce qu'on voit de lui habituellement. Et évidemment, LA question : et DiCaprio dans tout ça ? Ben il est une nouvelle fois purement extraordinaire dans chacun de ses scènes, tout au long du film (donc pendant quasiment 3h). Ce n'est peut-être pas sa meilleure prestation, mais elle survole une nouvelle fois le casting (sauf peut-être Matthew McConaughey), permettant même aux autres de montrer le meilleur d'eux-même. Il se donne véritablement à fond à chaque minutes, et il est vraiment excellent dans certaines scènes.
Mérite-il sa nomination aux Oscars ? Oui, encore une fois. Devrait-il repartir avec la statuette ? Il le mérite depuis belle lurette, mais je pense encore que ce n'est pas pour ce film qu'il devrait la gagner. Si prestation est une nouvelle fois extraordinaire, elle n'égale pas ce qu'on a pu voir dans Aviator, Blood Dimaond ou Shutter Island. On est plus proche de ce qu'il y avait eu dans J. Edgar : un truc qui envoie du lourd, mais pas l'apothéose. Il confirme encore une fois qu'il est sans doute le meilleur acteur de sa génération. Mais sur ce film, comme je l'ai dit, il se fait limite voler la vedette par les 5 petites minutes de Matthew McConaughey, vraiment époustouflant (lui, en revanche, il le mérite son oscar pour un second rôle). On peut également noter Rob Reiner, pas mal du tout en père du personnage ; et Margot Robbie, qui exploite à merveille toutes les facettes de son personnage. Et notre Jean Dujardin national ? Ben je m'attendais à le voir moins souvent à l'écran, et je dois dire que ces apparitions réservent toujours quelque chose de très savoureux : il est super dans son rôle.
Niveau technique, c'est du Scorcese. Autrement dit, la BO n'est pas mal du tout, colle bien au film. On note que Scorsese se met de plus en plus au tournage numérique pour des effets spéciaux en CGI, on peut dire que c'est globalement bien réussi, sans être parfait. Les décors sont somptueux, que ce soit les bureaux, la maison ou le yacht. Quant à la mise en scène, elle est excellente. Scorsese arrive à nous tenir en haleine avec des plans toujours très soignés et judicieusement tournés. Certaines scènes ou séquences sont même un véritable régal, même si dans l'ensemble on reste assez classique. Scorsese connaît son sujet, utilise ce qu'il y a de plus simple et efficace pour mettre en mieux en valeur ses acteurs, qui s'occupent de transcender le film. Bref, Le Loup de Wall Street est un excellent film - sans doute un des meilleurs de l'année - mais à ne pas mettre entre les mains de tous le monde. Pour ma part, je l'attendais avec impatience et je me suis régalé. Comme je le disais, son seul réel défaut et de traîner un peu pour conclure. En tout cas, en sortant de ce film, il y a de forte chance que vous appréciez encore moins votre conseiller financier.