Pour la première fois de sa carrière, Martin Scorsese se voit récompensé par l’Oscar et le Golden Globe du meilleur réalisateur pour « Les infiltrés », polar certes divertissant mais qui m’a laissé sur ma faim. Son vingt deuxième long-métrage ? « Shutter Island ». Pour mon premier visionnage, ma réaction est : spectacle subjuguant totalement incritiquable aujourd’hui (attendons un deuxième visionnage pour en comprendre toutes les variantes !). Les deux récompenses citées ci-dessus colleraient mieux à « Shutter Island ». Mais cela n’engage que moi (!). Arrive ensuite le pilote de la série « Boardwalk Empire » qu’il dirige et produisant, au passage, la saison une (l’histoire se passe dans les années 1920 à Atlantic City) ; puis « Hugo Cabret », accueilli ‘à tombeau ouvert’ dès sa sortie (pluie de récompenses, -onze !!- parmi lesquelles le Golden Globe du meilleur réalisateur, méritées car il fait une fois de plus l’éloge du cinéma en invitant l’artiste Méliès dans son cinéma !). Son projet suivant en tant que réalisateur ? « Le Loup de Wall Street ». 2008 étant l’année de crise aux Etats-Unis, le tournage du film est reporté car aucun producteur ne voulait financer un projet aussi coûteux et pharamineux.
Le scénario de l’adaptation du roman éponyme de Jordan Belfort ? L’ascension et la chute de Jordan, jeune courtier et imposteur de la bourse new yorkaise… .
Terence Winter, également scénariste des « Soprano », réussit un tour de force en la compagnie de Scorsese : raconter pendant trois heures un spectacle démesuré sur la vie hors norme de Jordan Belfort à qui tout lui vient : argent, pouvoir, femmes, avarice, envie. De cette narration scorsesienne, toujours dans le juste ton, Winter nous invite à suivre cette débauche friquée qui s’apparente davantage à un pamphlet contre les us et coutumes des boursiers que sur l’apanage du gain (énormément facile). Les aventures contées par Terence nous invitent à apprécier Jordan qui se fait l’associé du diable tout en étant ce héros de l’American way of life. Un héros déchu qui ressemble étrangement à un certain De Niro dans « Casino », un Ray Liotta dans « Les affranchis », un Harvey Keitel dans « Mean streets », vous l’aurez compris un thème cher à Scorsese qu’il réussit à remettre au goût d’aujourd’hui. Les séquences d’orgie, tout comme les discours de Jordan nous laissent sans voix et c’est sur un rythme tendu et effréné que l’humour grinçant scorsesien s’incruste dans le métrage, ainsi que les homards que lancent Jordan sur les hommes du FBI (!). Un scénario limpide donc, mais ficelé tel un gangster sortirait son gun : bim ! Le modernisme scorsesien dans toute sa splendeur.
Ajoutons là-dessus la mise en scène de maître Scorsese : une leçon magistrale de sa part ! L’on ressort tout secoué de ce métrage concocté par le futur réalisateur de « The irishman ». Explosive, abrasive, détonante, dilettante, cette satire sur les gourous financiers foisonne de la technique de Marty qui retrouve ici sa bande fétiche (DiCaprio, Shore, Robertson, Winkler, Sandy Powell, et la collaboratrice de la toute première heure : l’indétrônable Madame Schoonmaker !) qui font tous un boulot d’enfer.
Avec le réalisateur de « La valse des pantins », mise en scène et bande-son s’allient. « Le loup de Wall street » ne déroge pas à la règle ! La bande sonore proposée par Howard Shore, aidé d’un certain assistant nommé Robbie Robertson, nous prouve la passion du gamin de Little Italy pour le blues et le rock. On se prend à reconnaître Bo Diddley, John Lee Hooker, Plastic Bertrand… et donc à vibrer par le sens du rythme donné par le maître. Jubilatoire !
Un métrage scorsesien est également caractérisé par une direction d’acteurs plus-que-parfaite. Le film sur Jordan Belfort remplit ainsi le contrat : un casting en or nous est ainsi proposé. Dans la peau du courtier argenté : Leonardo DiCaprio. Il est le loup, et le Golden Globe du meilleur acteur remporté est amplement mérité. Une composition hallucinante pour un rôle de gourou qui lui sied à merveille. Crions tous au loup : aoooouuuuuh ! A ses côtés, on trouve Matthew McConaughey (primé par l’Oscar du meilleur acteur pour « Dallas buyers club »), irrésistible dans la peau du mentor de Jordan, Jonah Hill (« Supergrave », « War dogs ») en affreux trublion et meilleur copain de Belfort et qui trouve dans ce rôle le passant comique du « Loup de Wall street », et Margot Robbie (ici révélée par Scorsese, et aujourd’hui connue pour avoir joué dans « Suicide squad ») qui forme avec DiCaprio un couple charnel, étincelant et déchirant. Avec également Rob Reiner, Jean Dujardin et Jon Favreau qui se renvoient la balle avec une répartie communicative. Vive les loups !
Pour conclure, « Le Loup de Wall Street »(2013), une production Scorsese, DiCaprio & Winkler et cinquième collaboration DiCaprio/Scorsese, est un biopic pamphlétaire scorsesien à la limite du chef d’œuvre : mmmh mmh… mmh mmh mmmh… !
Interdit aux moins de 13 ans et accord parental souhaitable.
PS : mon cycle du cinéaste de Little Italy terminé, je me permets de dire une dernière chose à son sujet. Son film culte : « Les affranchis » ; son film mythique : « Silence » (que je considère actuellement comme le parachèvement de son œuvre).
Spectateurs, un taxi driver peut-il être un infiltré new yorkais ayant les nerfs à vif ?