Nostalgiques de Titanic, vous allez assister à un autre genre de naufrage. Si Kate et Leo se retrouvent à l'écran, ce n'est pas pour s'aimer entre deux icebergs, mais pour se détester, ouvertement. Enfin, au début, le couple qu'ils incarnent (April et Frank Wheeler) ne fait presque pas une vague dans la banlieue proprette où ils emménagent, sur Revolutionary Road, dans l'Amérique des fifties. "Route révolutionnaire", ça tombe bien, les tourtereaux ne veulent surtout pas fonder un foyer convenu, ennuyeux. Mais aussi, comme le suggère finement une lectrice assidue de ce blog, "Route qui tourne en rond". Cette hypothèse se révèle la plus probable...
Deux enfants plus tard (des absents tout au long du film), Frank s'ennuie dans son job alimentaire, April veut changer d'air. Tempête dans un verre d'eau, ils décident de partir vivre à Paris, où ils plus seraient heureux, c'est sûr. Le départ est planifié. Mais la flamme des premiers jours s'est rabougrie, la monotonie s'est installée. Elle ne peut le supporter. Lui se contenterait bien de sa vie tranquillement médiocre, surtout qu'une promotion pointe à l'horizon, "il faut y réfléchir sérieusement".
Un engrenage implacable d'incompréhension s'enclenche, c'est la guerre froide. Glaciale, comme ce thème de piano obsédant qui vient ponctuer les crises ouvertes comme les concessions douloureuses. Le petit déjeuner "parfait" préparé par April est un sommet de tension, bouillonnante mais maîtrisée. A l'image de cette scène mémorable, le jeu de Winslet est tout en regards brûlants sous un masque de sérénité mal feinte. DiCaprio - qui semble abonne aux rôles "vintage" - s'en tire bien, portée par des seconds rôles brillants - le couple d'amis rangés, le mathématicien dérangé, as de la provoc. Tous essaient de deviner le drame qui se joue, de plus en plus explicite. L'issue est dramatique, le malaise habite le spectateur de ce jeu de massacre, froidement exécuté, magistralement orchestré.