On prépare avant de lancer «Action !» au cinéma, avant d'engendrer le premier geste hors-champ qui projetterait la caméra à la capture du monde. Fait de cette intimité que le cinéma, d'après Agnès Jaoui, n'aurait jamais capté, «Parlez-moi de la pluie» (France, 2008) relate la chronique d'un tournage raté, d'un cinéma impuissant face à la démesure de son ambition. Constitué, en grande majorité, par un trio (le duo Bacri-Jaoui complété par le solo Jamel Debbouze), le tournage d'un documentaire sur les femmes qui ont réussi se mue en impossibilité de tisser des rapports entre des personnes que la proximité du lieu (une rase campagne) permet a priori d'unifier. En rendant la phase de tournage infaisable, Jaoui dicte une idée du cinéma comme incapacité à percer le caractère qui fonde tout un chacun. De ce fait, le personnage, rêveur entrepreneur, de Jean-Pierre Bacri, devient l'archétype d'un cinéaste inutile, toujours prompt à «faire cinéma» mais définitivement incapable d'aller outre la prosaïque réalité pour atteindre à l'ordre de l'art. Vis-à-vis de la sagace articulation poétique qui rendait «Le Goût des autres» aussi savoureux qu'un tableau de Théodore Géricault, «Parlez-moi de la pluie» se charge d'une petite chronique champêtre, à mille lieux de tous Maupassant et pourtant si proche de sa verve littéraire. C'est là même que réside la ruine du film, qui déjà paraît étrangement daté. La dose d'écriture, suffisamment éludée dans le premier film de Jaoui par la mise en scène pour satisfaire la seule nécessité de récit, se trouve gonflée à plein régime et transparaît de plein fouet. De la finesse guitryenne, celle qui transpose par le biais des mots d'auteur la musicalité du théâtre au cinéma, qui prévalait dans la première oeuvre prometteuse, ne demeure plus que le squelette, l'idée seul d'un cinéma écrit par les mots plus que par les images. Jaoui se confronte, dans une cynique ironie, au même dilemme que son auteur : buter à ne pas réussir à «faire cinéma».