L'histoire de bobos, de loosers, d'amoureux transis, d'immigrés à cran, et de bien d'autres personnages de la « vraie vie ».
Je ne peux pas dire que je compte parmi les fans du duo Bacri/Jaoui et encore moins de Djamel. Alors pourquoi j'ai apprécié ce film ? Peut-être tout simplement parce que ce mix de sentiments doux amers plus ou moins intenses ou désespérants sont vécus et montrés sans violences. J'adore Sniper, un groupe de rap ultra cynique qui panoramisent leur vision raciste de la France, mais toujours avec un second degré qui permet non seulement d'adhérer à leur propos, mais surtout avec l'absence de violence qui permet de réfléchir quand on est dans le camp des nantis par naissance. Ce film est le pendant de Sniper, un propos fort, la révolte de Djamel, immigré qui ne réussira jamais à la hauteur de son talent, le désespoir de Bacri, parfait exemple de looser professionnel, à qui l'on demande en plus d'être plus fort que ceux à qui tout réussit, ces personnages qui pourraient pêter les plombs vont faire l'effort suprême, ne pas se couper de la société, éviter la violence verbale, physique, pour affronter leur souffrance d'être rejetés par une société d'autant plus normative qu'elle explose de tous côtés. C'est simple, un peu fleur bleue, mais si seulement des milliers de jeunes comprenaient ce message, la vie en urbanité serait bien plus harmonieuse.
Ensuite, il y a le côté humanité fragile et sentimentale jusqu'ici traité du côté bobo (après tout qu'est ce qu'on en a à faire que les bobos souffrent, avec le fric qu'ils ont, ils peuvent toujours rebondir), ici, le veilleur de nuit Djamel est confronté à une amoureuse à l'ancienne, sans faux semblants, et il l'aime par défaut, aspiré par cette force, qui n'est jamais répartie également dans un couple, et qui fait défaut à sa propre fiancée. Faute à la programmation du bonheur dans la vie conjugale bien établie, bourgeoisement établie devrait je dire. La rencontre qui change une vie, personne ne peut la prévoir, même si elle est dangereuse et arrive souvent trop tôt ou trop tard. C'est sans doute pour cela que tant de femmes mariées marchent dans Paris les yeux sur le trottoir. Dans ce film tout est en nuance, Djamel ne va pas faire l'acte héroïque et romantique, la surprise passée, il va réfléchir, peser le pour et le contre, vérifier les risques, et on ne saura même pas ce qu'il choisira. Si tant est qu'il s'agit d'un choix. C'est ça qui est le plus beau dans ce long métrage, finalement. L'immonde de l'utilisation de l'immigration est rapidement soulevé, mais on ne peut pas en dire beaucoup plus, tout est dans les images.
Bacri est confronté au choix inverse, il n'a rien, et le peu qu'il a lui échappe finalement. Pour rien, pour un con qui fait pitié, alors que le vieux chien qui lêche ses blessures tout seul n'exerce jamais ce sentiment, c'est peut-être sa seule noblesse dans ce monde fait de réussite argentée, d'ambition sans conscience et autres obsessions sans éthique.
Toute cette partie du film est superbe parce qu'humaine, facilement humaine certes, mais bien filmée, chorale et rythmée, ça n'est vraiment pas désagréable. Et bien loin du pédantisme de leurs précédents films bobos parigots.
Quant on passe au volet femme politique, brillament survolée par Jaoui, les choses deviennent plus caricaturales, et se perdent dans l'affrontement soeur au foyer, soeur célibataire battante et femme du monde. L'insupportabilité de la femme d'ambition est un peu gommée par l'amourette, et c'est presque dommage d'essayer de faire une sorte de happy ending, alors que le sujet et la tenue du film permettait de faire payer tout un chacun à sa juste mesure. Dommage, mais pas dommageable.
La scène agricole est savoureuse, et elle met aussi mal à l'aise, est-ce un film si universel qu'il va au fond des choses, c'est à dire montrer l'impossibilité politique de jongler entre les conflits d'intérêt et l'argent facile dans la poche, ou est ce une diversion intello loin de la capitale histoire de confronter une certaine gauche à la médiocrité provinciale ? En un mot, une récréation ?
Bref, je ne suis pas persuadé du bon virage du couple feuj parigot, mais je suis évidemment totalement sous le charme d'un film très agréable et facile, sans méchanceté aucune.