Un des westerns majeurs de l’histoire du cinéma, mais qui paradoxalement n’excelle ni par son scénario, ni par ses scènes d’action, ni par l’exploitation des grands espaces, ni par une mise en scène éblouissante. Pourquoi alors ce succès ? Ce western est surtout le dernier et donc par la même une des références du western classique : esthétiquement bien entendu, mais aussi par son absence de contenu psycho ou politique de fond. C’est juste une histoire d’hommes et d’une femme dans l’ouest américain. Pas adepte du western classique ; préférant celui des décennies suivantes explorant de nouvelles pistes et ajoutant de la chair à un genre trop souvent gentillet dans sa version classique (cf Leone, Peckinpah, Penn, même Tarantino).
Et pour illustrer cela une critique écrite par Marvin Montès : « Les années 50 sont souvent considérées par bon nombre d’amateurs de westerns comme l’âge d’or du genre. C’est à la toute fin de cette décennie bénie des cow-boys et des saloons, en 1959, que déboule Rio Bravo, futur monument du cinéma classique américain sans vraiment s’y attendre.
Une œuvre qui marque la troisième incursion du réalisateur Howard Hawks dans l’univers de l’ouest américain, après La rivière rouge et La captive aux yeux clairs.
Conçu avant comme une réponse au récent Le train sifflera trois fois de Fred Zinneman (détesté par Hawks, qui le considère comme une œuvre anti-américaine), Rio Bravo ne tente à aucun moment de révolutionner le genre, mais plutôt d’en sublimer la conventionnalité.
D’ailleurs, le scénario d’un extrême classicisme ne surprendra personne : John T Chance, shérif de Rio Bravo, doit faire face au siège de sa ville par une bande de mercenaires engagés par un riche propriétaire terrien pour délivrer son frère, détenu dans la prison de la ville. Lui prêteront main forte son adjoint alcoolique, une joueuse de poker, un tireur d’élite et un vieux gardien de geôles. Aucune révolution donc, mais c’est plutôt du coté de la direction d’acteurs et d’une écriture soignée pour chaque protagoniste que les qualités du métrage sautent aux yeux, le tout rendu possible par l’excellence d’un casting 4 étoiles, à commencer par John Wayne. The Duke, la légende de l’ouest Hollywoodien, illumine la pellicule de tout son charisme en incarnant John T Chance. A la fois shérif, figure paternaliste et mentor, le grand John nous prouve une fois de plus qu’il n’est jamais meilleur que dans son rôle d’homme viril au cœur tendre. A ses cotés, Angie Dickinson (recommandée par Wayne lui même) n’est pas en reste dans un rôle de femme forte comme les films du genre savent en faire. Pas intimidée pour un sou, l’interprète de la joueuse de cartes Feathers parvient à briller à l’écran dans un monde d’hommes par son aisance verbale et son mordant, sans renier quelques subtiles suggestions érotiques (voir la scène finale). Juste derrière le duo Wayne-Dickinson, l’incroyable Dean Martin habite le personnage de Dude, dont l’axe rédempteur servira de théâtre à certains des tout meilleurs moments du film (la scène de la porte du saloon, poignante et porteuse d’espoir). Enfin, la vedette Ricky Nelson se montre aussi efficace devant la caméra que derrière un micro, et dernier cité mais non des moindres, le fantasque Walter Brennan et ses incessantes bougonneries nous arracheront quelques sourire en ne se privant pas de distiller une dose d’humour bienvenue.
Malgré une mise en scène de prime abord plutôt simpliste, Rio Brav oprend à rebours la mouvance des westerns des grands espaces en multipliant les scènes en intérieur (prison, Saloon...) tant et si bien que le spectateur aura très vite l’impression d’en connaître tous les recoins et d’évoluer dans un environnement familier. Une sacrée performance, aussi efficace que la justesse de ton générale de l’œuvre, mélangeant action, émotion et comédie dans la plus pure tradition du genre, en se permettant tout de même de surprendre, comme lors d’une aparté musicale du plus bel effet en pleine période de désespoir total... Un habile ascenseur émotionnel menant droit à un climax dantesque annoncé depuis les premiers instants du film.
A l’heure du bilan, Rio Bravo est une pierre angulaire du western et plus largement du cinéma classique américain, cité en référence par des cinéastes comme Quentin Tarantino ou John Carpenter (qui le remakera officieusement bien des années plus tard, en réalisant assaut). Un authentique chef-d’œuvre, sur lequel le temps ne semble pas avoir de pris. »
Hawks est en fait hyper respectueux du genre qui le poussera même à faire un remake de son propre film 7 ans plus tard avec « El Dorado » ; ce dernier se révèle en décalage par rapport à son époque en plus du déjà-vu. Plus bon vivant et donc plus tourné vers le caractère de ses personnages que vers la mise en scène ou la psychologisation de ces personnages. Idem à bas les grands espaces, mais un film théâtrale en trois lieux que le spectateur finit par connaitre comme sa poche au bout d’une heure de film. Et cette appréhension de l’espace par le spectateur via le regard acéré du réalisateur donne une des scènes les plus belles du film : celle dans laquelle Dude débusque et descend le tueur s’étant réfugié dans le saloon. Aujourd’hui on aurait droit à un montage frénétique servant de poudre aux yeux ; et pourtant, mon fils de 10 ans à trouver cette scène fabuleuse et la remime à l’envie. Elle reste bien plus ancrée dans la tête que des scènes faussement dynamiques. La première scène quasi muette est aussi une belle leçon de mise en scène ; cette dernière n’est pas pourtant l’atout majeur de ce film. L’ambiance copain-copain et l’entraide dans le groupe est le cœur du film ; et la scène dans laquelle le quatuor pousse la chansonnette autour de « My pony, my rifle and me » est emblématique. On a une curieuse impression de surprendre les acteurs pendant une pause en plein tournage ; des instants de symbiose et de bien être entre les personnages et les spectateurs dont Hawks raffolaient ; donc pas si inutile. Un film sans grande envergure mais super bien maitrisé dans un esprit très classique.
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