Le film hommage de Tim Burton à l’un de ses réalisateurs fétiches. Il faut dire que les points communs entre les deux hommes sont nombreux, de leur passion sincère pour le cinéma à leur goût prononcé pour le genre fantastique en passant leur relation filiale avec leur idole d’enfance (Bela Lugosi pour Ed Wood, Vincent Price pour Tim Burton). Cependant, si un tel hommage paraissait, à terme inévitable, difficile d’imaginer que Burton en ferait un long-métrage entier (en trouvant, au passage, des producteurs en acceptant le financement) tant le sujet paraissait limité et réservé un public hyper restreint de geeks passionnés par le destin atypique du "plus mauvais réalisateur de tous les temps". C’est sans doute ce qui explique l’échec du film au box-office, le public n’étant visiblement pas prêt à suivre Tim Burton hors de certains sentiers battus. Il a eu tort car, malgré quelques défauts tel qu’une mise en scène manquant de vigueur, une BO (exceptionnellement signé par Howard Shore et non par le fidèle Danny Elfman) un peu faiblarde et un ton un peu trop académique, "Ed Wood" reste une réussite qui ravira les amoureux du 7e art en dressant le portrait d’un des artistes les plus symptomatique de l’usine à rêves qu’est Hollywood. Car, Ed Wood est avant tout un passionné qui compense son absence de moyens par une ingéniosité et un enthousiasme débordant… au point de ne pas forcément se rendre compte de la qualité réelle de ses films, qui restent des séries Z cheap. Et Tim Burton sait magnifier cette carrière tombée dans l’oubli en filmant en noir et blanc avec un grain d’image proche des films de l’époque. Ce parti pris permet ainsi de s’immerger totalement dans les années 50 (qu’on ne connaît, au final, qu’à travers des images en noir et blanc) et offre un réalisme inespéré aux séquences de tournage des films d’Ed Wood. L’ambiance est donc délicieusement lugubre tout en étant très joyeuse (se qui colle parfaitement au style habituel de Tim Burton), comme le prouve chacune des apparitions de Bela Lugosi (campé par un Martin Landau aussi méconnaissable qu’habité… et qui n’aura pas volé son Oscar). L’acteur vieillissant est, en effet, aussi magnétique par sa seule présence (et par son illustre passé d’interprète de Dracula) que pathétique dans sa déchéance (sa toxicomanie, ses colères, ses exigences… mais aussi sa dépendance à Ed Wood sont autant de failles qui rendent le personnage humain et bouleversant). Il volerait presque la vedette à Ed Wood lui-même, pourtant magnifié dans sa folie et dans sa créativité par un Johnny Depp épatant. Le reste du casting n’a pas non plus à rougir puisqu’on retrouve Sarah Jessica Parker en épouse humiliée, Patricia Arquette en nouvelle compagne compréhensive, Bill Murray en artiste ouvertement gay, Jeffrey Jones en magicien, l’hypnotique Lisa Marie en Vampirella ou encore l'apparition de Vincent D'Onofrio en Orson Welles (dont la scène, sous forme d'adoubement, fantasmé par Burton, d'un réalisateur considéré comme raté par un monstre du 7e art reconnu, est un peu artificielle). Il ne manque donc pas grand-chose à cet "Ed Wood" qui nous dévoile, avec moult détails authentiques (les vols d’accessoires, les montages improbables avec des bobines récupérés…), la carrière hors norme d’un réalisateur incompris mais qui souffre du caractère peu accessible de son sujet à un large public.