A sa façon, Sam Raimi est plurilingue. Non pas parce qu'en plus de l'Anglais, il maîtrise un large panel de langues parlées, mais plutôt car à l'heure actuelle, il se pose en dialectologue hors-pair de la cinématographie et des genres qui la composent. En vérité, rares sont les réalisateurs ayant autant analysé, disséqué la sémantique du cinéma populaire, au point d'en connaître sur les doigts de la main, tous les tics, les éléments de langages et les "trucs" qui l'ont bâtit. Sam Raimi étant passé maître dans cet Art de la linguistique filmique, offre avec Mort ou Vif ce qu'il sait faire de mieux, soit un travail basé sur la récupération des codes inhérents au genre étudiés, consistant à se les approprier pour mieux les sublimer ou parodier, voir les deux à la fois.
Cette fois-ci, c'est à un genre fondateur du cinéma américain qu'il s'attaque, le Western. Bien sûr, le sujet est large, englobe plusieurs mouvements chacun à leur tour élevé au sommet puis passé de mode durant le XXème siècle. Du coup, Mort ou Vif, dans sa conceptualisation, regroupe en un cocktail bien garni toutes les périodes essentielles du Western, du classique au crépusculaire en passant par le Spaghetti. On se retrouve avec un film complètement hybride, hanté par le manichéisme de la période classique et construit à l'aide de procédés formels familiers au Western Spaghetti (Zoom, contre-plongées, gros plans sur les regards ou plans audacieux), dépeint non sans une certaine dose d'humour parfaitement combinée avec un goût pour le grand spectacle et l'adrénaline qui s'y rapporte. C'est à travers cette mise en exergue des codes que le film tire parti de son potentiel comique. On se surprend à rire face au traitement parodique qui est accordé à ceux-ci, et en même temps, c'est de ces mêmes codes que surgit la tension et la réussite totale des scènes d'action. Il y a donc un rapport paradoxal qui s'installe entre deux sentiments à priori antithétiques, émis par la même idée.
Evidemment, en découle parfois un déroulement narratif prévisible, mais la mise en scène de Raimi demeure tellement sublime et richement référencée, qu'un fanatique du genre ne pourra s'ennuyer devant cette petite merveille qui se paye le luxe d'avoir une pléiade de stars peu connues encore à l'époque. Sharon Stone, Gene Hackman (aussi effrayant en méchant indestructible que dans Impitoyable), Russell Crowe, Leonardo DiCaprio, Gary Sinise, Bruce Campbell et même Tobin Bell (mais lui on s'en fout)...rien que ça.
Bref, une oeuvre un brin convenue, néanmoins très drôle et d'une beauté formelle rare.