Ah, Sam Raimi ! Le grand roi des comics. Après des débuts qui le hissent déjà au rang de réalisateur culte, il ne cesse de transférer son talent vers des genres de plus en plus important. Après le film de super-héros avec Darkman (qui reste sa plus grande réussite dans le domaine, mais paradoxalement ce n'est pas son meilleur « comic-live ») il s'attaque à un autre type de film à super-héros, encore plus prisé du public, le western. En mélangeant les genres avec une finesse égalant Tarantino, il crée une œuvre de divertissement absolument somptueuse, injustement boudée au profit d'Impitoyable de Clint Eastwood, qui certes se pose en bel hymne nostalgique au classicisme mais qui, par conséquent, n'apportait rien de bien original en cette période de transition vers le 21ème siècle. Sam Raimi raconte une histoire excessive, comme tout les comics, où il n'y a pas qu'un duel final mais une masse considérable de duels titanesques qui s'enchaînent élégamment, où des figures mythiques se confrontent, où les mécanismes narratifs que l'on connaît par cœur sont sublimés par une approche légendaire de la chose. Cette petite ville ressemble à un pan de l'Olympe, avec ses incarnations grandiloquentes de personnages à l'ego démesuré et aux costumes bariolés rivalisant de classe. Cette représentation se retrouve même explicité par le nom du grand méchant, Hérode, interprété par Gene Hackman qui vole à lui seul toutes les scènes du film, excepté la dernière...Un méchant phénoménal est toujours une caractéristique d'un bon comic, surtout d'un comic de super-héros établissant sa propre mythologie. Et c'est exactement ce que Raimi fait ici. L'histoire est tellement exagérée dans ses propos, dans sa violence, dans ses métaphores, qu'elle navigue constamment sur le fil qui relie le génie et le ridicule. Mais la mise en scène est tellement sublime, unique, démentielle et virtuose qu'on ne peut que pencher pour la première appréhension de l’œuvre. Les plans s'ensuivent avec une malice indéniable, le cadrage sinueux est merveilleux, les transitions magistrales empruntent tour à tour au western italien de Léone, aux célèbres plans larges américains de Ford, et on retrouve même un brin de grand film de gangster lors de la scène du diner chez Hérode. La musique aux envolées de guitare jubilatoires en rajoute une bonne couche. On frôle souvent la perfection. Sharon Stone est fabuleuse, entre la femme forte et désincarné et la femme brisée par la cruauté qu'elle a subie, ultime manifestation de son âme, le jeu de l'actrice trouve excellemment son chemin. Leonardo DiCaprio me faisait craindre le pire, mais non. C'est le Kid, il est le Kid, il a la tronche du Kid, la tête de l'emploi, et le sort qui lui est réservé nous touchera vraiment. Enfin, comment ne pas aborder l'interprétation de cet immense acteur qu'est Russel Crowe, qui ici se charge d'un rôle très différent de Gladiator ou Robin des Bois en adaptant superbement son jeu qui ne prend jamais une ride à cause de ses incarnations dans les blockbusters (n'est ce pas Christian Bale et Johnny Depp ? Qui ne sont d'ailleurs pas « bouffés jusqu'à la moelle » par leur rôles respectif de Batman et Jack Sparrow, loin de là, mais qui en ressortent tout de même un peu plus affectés que Crowe). Enfin, pour en revenir à cette éblouissante réussite formelle atypique qu'est Mort ou Vif, souvent recherchée dans la transposition comic cinéma mais jamais qu'effleurée (même Watchmen et 300, une dizaine d'années plus tard, n'atteignent pas les sommets raimiens de Mort ou Vif), il faut souligner que chaque plan est stylisée jusqu'à l'overdose, mais avec une intelligence qui fait défaut aux deux œuvres précédemment citées. Chaque image est empreinte d'une classe inégalable, mais chaque image évoque quelque chose. Et surtout, c'est le mouvement de la caméra qui sert de lien, avec une grâce inestimable. La fin reste un modèle d'apothéose noire et dévastatrice capable de tutoyer Batman Returns et Kill Bill. Au fait, cette femme déchaînée, les cheveux en bataille, la mort dans les yeux, les vêtements déchirés, magistrale incarnation de la vengeance, n'est-ce pas un icône à la Tarantino ? Sauf que Kill Bill arrive après Mort ou Vif. Trop méconnu du public, ce fantastique western a sans doute eu des influences négligées par la presse, qu'il convient immédiatement de réhabiliter ! Pan !