En 1995, malgré quelques brillantes résurgences (Impitoyable, Danse avec les loups…), le western était plus ou moins assimilé à un genre du passé. Il n’est donc pas surprenant qu’Hollywood ait cherché à l’aborder avec un regard innovant. Tout comme Belles de l’ouest de Jonathan Kaplan sorti l’année précédente, Mort ou vif présente donc comme personnage principal une femme aussi redoutable au revolver que ses homologues masculins.
L’innovation est aussi à chercher du côté de la mise en scène en choisissant Sam Raimi comme réalisateur. Encore associé à la saga Evil dead, il apporte donc son originalité formelle à un genre qui avait déjà connu une véritable révolution avec l’approche italienne du western spaghetti.
Il n’est donc pas surprenant de voir le film parsemé de clins d’œil au maître de cette variation : Sergio Leone. Dès la première séquence, Raimi ne cache pas son inspiration en offrant un clin d’œil à Pour une poignée de dollars
avec son personnage de fabricant de cercueils qui estime la taille de Lady dès son arrivée en ville
. Le reste du film persistera à se référer à la mémoire de Leone comme on pourra le voir par le style des personnages ou par la présence de flashbacks
expliquant le désir de vengeance de l’héroïne (comment ne pas penser à Et pour quelques dollars de plus et surtout Il était une fois dans l’Ouest, film auquel on peut penser grâce à la présence de Woody Strode ?)
. De même, Alan Silvestri choisit d’aborder la musique en adoptant un style proche d’Ennio Morricone.
Mais il ne faut pas croire que Raimi se limite à saluer Leone. On retrouve ainsi des allusions au cinéma de son élève Clint Eastwood par la présence d’acteurs comme Pat Hingle (qui jouait au côté d’Eastwood dans Pendez-les haut et court) et Gene Hackman (qui était dans Impitoyable)
et par le choix de faire revenir une Sharon Stone (qui avait simulée sa mort) comme ange exterminateur, figure récurrente du cinéma eastwoodien (L’Homme des hautes plaines, Pale Rider, le cavalier solitaire)
.
L’ensemble est donc un clair hommage au western spaghetti et à ses successeurs. Cependant, Raimi apporte une vision plus moderne par ses choix de réalisation et de montage en essayant de jouer avec l’image dès qu’il le peut : chaque duel est traité dans un style différent afin d’offrir une certaine originalité à chacun. Si on est sensible au style très exubérant du cinéaste, on ne pourra qu’apprécier ces choix formels. Par contre, si on préfère un style plus classique, on risque fort d’être rebuté par cet aspect.
Toutefois, même si on est dans la seconde position, on pourra apprécier le fait que le scénario de Simon Moore choisisse de présenter une héroïne montrant ses émotions, rompant ainsi avec la froideur des personnages des westerns spaghetti, et par la présence d’acteurs de grands talents : outre les comédiens cités plus, on retrouvera donc au casting rien moins que Russell Crowe (encore peu connu), Leonardo DiCaprio (qui était alors un acteur reconnu mais qui ne possédait pas encore le statut de star), Tobin Bell, Lance Henriksen, Gary Sinise et surtout, dans le rôle principal, une Sharon Stone encore auréolée du succès de Basic instinct. Toutefois, Sam Raimi a l’intelligence de pas jouer sur le statut de sex-symbol de cette dernière (malgré deux ou trois plans dévoilant furtivement ses seins) mais bel et bien d’utiliser ses talents de comédienne (ce que fera également, la même année, Martin Scorsese dans le sublime Casino) pour intéresser son spectateur à une intrigue très simple mais sans temps.
Ainsi, même s’il ne fait obligatoirement partie des œuvres marquantes du genre, Mort ou vif reste un western extrêmement agréable et assez jouissif qui dégage un véritable amour du cinéma. Il serait donc regrettable de bouder son plaisir.