Lorsque Sivana demande à son père, au milieu d’une salle de réunion décimée, si l’accumulation de biens matériels lui a conféré un quelconque pouvoir, la réponse ne se laisse guère attendre et c’est l’Avarice, l’un des sept péchés capitaux, qui vient alors le détruire. Nous pourrions aisément demander la même chose au présent film : est-ce qu’entasser de la sorte les références non pas tant cinématographiques que propres à l’écurie DC, et plus largement à Warner Bros, justifie le choix d’adapter ainsi le héros éponyme ? Marvel a son Deadpool, et voici l’équivalent pour Warner, en moins vulgaire, certes, mais dont l’artificialité demeure, quant à elle, inchangée. La force du métrage réside dans son humour bon enfant et sa candeur teintée, çà et là, de clins d’œil adultes (le bar à prostituées, la transmission du sceptre etc.) qui fonctionnent, en dépit de leur gratuité. En fait, Shazam ! n’a pas grand-chose à raconter et, néanmoins, ne cesse de courir, de sauter dans le temps pour revenir à la mère ou présenter les motivations du méchant chauve à l’œil bleu... Ce faisant, le film échoue à instaurer son propre rapport au temps, plonge tête baissée dans la même course folle qui anime le modèle-type du superhéros contemporain depuis des années maintenant. Dépourvu de souffle et non d’énergie, Shazam ! entasse dans l’espoir que ses blagues, que ses combats, que ses enjeux se verront réunis dans cette vaste machinerie industrielle qu’est le blockbuster gonflé aux superpouvoirs. Car de l’énergie, le film en a à revendre : l’éclair foudroie tout sans distinction, et chaque plan donne lieu à un déchaînement des forces burlesques les plus élémentaires. Derrière la caméra, Sandberg s’applique et restitue son talent pour la création de scènes horrifiques. Pas de chance pour lui, la boutique des produits dérivés Warner semble envahir son espace de travail, au point de saturer l’image par des références motivées par le seul nom de la maison de production. Des Gremlins – la chanson d’introduction « Do you hear what I hear ? – à Annabelle, en passant par Batman et Superman, saupoudré d’Insidious (la porte rouge), Shazam ! peine à quitter le magasin d’antiquités où se succède, sur des rayonnages lissés par le tout-numérique, tout un bric-à-brac d’objets protéiformes. Les acteurs ne rattrapent guère la donne. Un film pas désagréable, en somme, mais qui ne pense son geste cinématographique que comme hommage parodique, le contraignant à n’être qu’une ombre, qu’un pâle reflet fuyant et oubliable.