Possibilité de spoils mineurs sur l'intrigue et la conclusion du film.
A sa sortie en 2019, Shazam! était étrangement (et indirectement) lié à deux adaptations contemporaines, Captain Marvel pour le nom de son personnage, et Hellboy pour son ajout horrifique au monde des super-héros. Et s'il est définitivement le meilleur des trois films, nul doute que c'est aussi celui qui maîtrise le plus son délire et apporte en fraîcheur, avec plus de talent qu'un Hellboy, à un genre perdu en pleine répétition de clichés insupportables (en témoigne le mauvais Captain Marvel, qui fit une synthèse de tous les stéréotypes possibles).
Principalement basé sur son humour, il a la bonne idée de ne pas le rendre trop enfantin, transmettant le côté gamin du personnage par les mimiques de Zachary Levy (très charismatique en Shazam) et le comportement de ses frères et soeurs d'adoption, préférant suggérer l'âge du héros que le montrer par des vannes grasses à la Marvel (ou Deadpool). Certes pas toujours au meilleur niveau, les blagues du film, pas non plus trop omniprésentes, sont lancées avec suffisamment de maîtrise et de dosage pour faire mouche, provoquant à plusieurs reprises (chose rare dans les blockbusters actuels) des rires aux éclats qu'on aura du mal à retenir.
N'empiétant pas sur l'intrigue, l'humour sait se taire pour laisser place à un parcours initiatique et familial porté sur un personnage principal sans attaches ni repaires, aigris par l'abandon d'une mère qu'il tentera tout du long de retrouver. Une conclusion d'histoire qui aura d'ailleurs le respect de ne pas forcément bien finir, de virer les clichés habituels du personnage en quête de famille pour se rendre compte de la réalité de parents qu'on aura connu trop tôt, il y a trop longtemps, sans se douter des possibles ravages du temps et d'une tranche pauvre de la société.
Ce serait très émouvant à voir si Shazam! ne décidait pas, la séquence d'après, d'annuler la puissance émotionnelle de cette scène inhabituelle dans un genre ultra-codifié en balançant, sans aucune vergogne, les pires clichés (de regard, de phrases toute faîtes, de sauvetages,...) possibles sur une famille qu'on décide d'intégrer. A peine sorti d'une envolée sentimentale touchante, le film décide de se rabattre sur les codes répétitifs de son genre cinématographique de prédilection, quand il tentait de le mêler à d'autres sous-genres, créant une sorte de délire intéressant qui manque, cependant, d'assumer ses origines et influences.
Si l'on comprend dès les premiers plans que David F. Sandberg vient du registre horrifique (petit poulain de James Wan, il compte à son actif la réalisation de Dans le noir et Annabelle 2), il paraît également évident que la Warner, surement désireuse de faire un film accessible au tout public, aura décidé d'édulcorer son travail pour faire tendre Shazam! vers cet autre registre qui lui sied bien et qu'on aura évoqué plus haut, l'humour.
S'il est possible de concilier les deux, et que le résultat final reste visuellement très intéressant, il suffira d'analyser la scène de massacre dans les bureaux de John Glover (qui semble reproduire son rôle de père Luthor de Smallville), qui gère parfaitement la suggestion avec un plan à base de vitres et de brume (plan commun mais opéré avec grande efficacité), pour faire rentrer le spectateur dans un charnier sans une goutte de sang, où les antagonistes, représentation répugnante et réussie des 7 péchés capitaux (encore qu'on pourra trouver à certains, notamment Gourmandise, une ressemblance avec quelques monstres d'S.O.S Fantômes), perdront dès lors en aura terrifiante et adopteront la posture de méchants clichés pour gosses à la Scooby-Doo.
Des clichés de gosses qu'on retrouvera par paquets de dix avec la famille de Billy Batson, très bien interprété par un Asher Angel à la ressemblance frappante avec Maisie Williams dans Game of Thrones, représentation à l'acting en roue libre (tous les gosses sauf Grace Fulton, la plus âgée, sont en surjeu absolu) d'une famille aux caractères affreusement clichés (le geek, la collante, le solitaire gronchon, la belle gosse, le beau gosse (Billy Batson), l'handicapé cinéphile de surcroît) et proprement insupportable.
Son évolution reste cependant intéressante, notamment grâce au combat final, bourré de surprises et presque entièrement calqué, à quelques exceptions prêt (plus ou moins importantes), sur le One Shot de Geoff Johns, dont le film s'inspire clairement sans trop ajouter d'humour de gosse (contrairement à ce que laissaient penser ses bande-annonce, en mettant bien en avant la danse Fortnite, sacrilège d'un personnage qu'on pouvait penser mort-né).
Ce qui fait notamment l'efficacité des thèmes qu'il développe, tant au niveau de la personnalité de ce personnage-type de Billy Batson qu'à la réussite de son humour, est principalement permis par le travail de mise en scène très propre de Sandberg, qui nous envoie un petit film d'action sans grande prétention, à l'antagoniste charismatique (Mark Strong en Sivana est excellent, bien que cliché, lui aussi) et aux scènes de transformation clinquantes, rendues notamment puissantes par l'utilisation juste et maîtrisée d'une fumée artificielle réussie.
Certes gâché par son manque d'ambition (et la présence au casting de Djimon Hounsou, également présent dans Captain Marvel, grotesque en Sorcier Shazam, sans charisme ni crédibilité), Shazam! gagne en sympathie par son efficacité de divertissement honnête et rafraîchissant, dont la photographie, par ses gimmicks purement horrifiques, apportera un semblant de neuf à un sous-genre cinématographique devant s'inspirer des autres sous-genres cinématographiques pour continuer d'exister.
Une histoire sympathique à la jolie conclusion, certes naïve et stéréotypée mais, au final, fidèle à ce qu'on est quand on est gosse, un jeunot sans prise de recul à l'imagination débordante, en témoignent les 15 premières minutes enchaînant les poncifs et les scènes forcées, le mauvais acting et des incohérences immenses, pour ne pas dire des faux-raccords si gênant qu'on se repassera le sauvetage opéré par Billy sur son nouveau frère pour comprendre quand il aura pu prendre la béquille servant à fracasser un Jack Dylan Grazer (Freddy, l'handicapé cinéphile du film) insupportable du début à la fin (même en version Super Sayen).
Un vent d'air frais imparfait également plaisant parce qu'il est justement imparfait.