C'est une critique assez spéciale que je vous présente. Car Shazam! tombe à point nommé pour faire de l'encre tant les facteurs qui gravitent autour de lui sont nombreux.
Extrêmement attendu pour le ton assumé du film vu comme un aveu d'échec du DCEU (oups pardon, Worlds of DC) qui essaye de copier la formule du Marvel Cinematic Universe dans le but de sauver les meubles après les retours catastrophiques des précédents films, Shazam! semblait sonner comme le retour de l'espérance pour cette saga au fond du trou, d'autant que cette dernière peut se relever après les bons retours d'Aquaman.
Mais l'un dans l'autre, il y a une chose par lequel il faut commencer. Malgré les bons retours de leurs deux précédentes productions qui laissent croire à un regain de qualité, Warner Bros. se trouve dans une situation de panique à tel point que même leurs succès peuvent leur porter préjudice sur le long-terme (comme ironiquement l'a fait Wonder Woman), tellement occupé à se chercher un style que la moindre lumière qui apparaît dans le tunnel doit être la nouvelle direction à prendre, quand bien même elle sera remplacée par la suivante dès qu'elle n'aura plus d'effet sur le public.
Et si Shazam! doit aiguiller la suite des productions DC de Warner, je crains le pire pour ce à quoi elles vont ressembler...
Chose très importante. Contrairement à Suicide Squad et Justice League qui ont été marvellisés en cours de route, Shazam! a été pensé dès le départ comme une production fun et décomplexée (vendu comme l'équivalent DC des Gardiens de la Galaxie, pour dire), ce qui fait souffrir le film n'est donc pas son manque d'homogénéité (à l'exception d'une tuerie de bureau qui n'a rien à foutre là) mais là est le problème, à vouloir copier Marvel, Warner a fait du sous-Marvel. Et encore, ce dernier excelle dans son domaine.
Les premières minutes du film laissaient entrevoir quelque chose malgré des dialogues nuls et des personnages clichés (dont un père joué par Lionel Luthor de Smallville, pas compris non plus). Le futur antagoniste alors enfant échouant au test du sorcier pour hériter de ses pouvoirs, son objectif est posé ainsi que ses faiblesses et l'ambiance est étonnamment sombre.
Cette promesse se volatilisera dès l'instant où notre héros Billy Batson fait son apparition, qui résume tout ce qui ne fonctionne pas.
Ce dernier cherchant désespéramment sa mère et fuguant de familles d'accueil en familles d'accueil, en s'accrochant à l'espoir de la retrouver depuis plusieurs années. Le fond est censé laisser un goût amer pour sa perdition émotionnelle mais qui ne prend pas à cause d'une écriture à la ramasse (Comment la police n'a pu la retrouver ? Les annuaires n'existent pas chez DC ?) qui le rend plus exécrable qu'attachant et qui caractérise les membres de sa nouvelle famille par des vieux archétypes, les confinant à la caricature pour certains. Quand arrive la confrontation finale, on ne comprend pas en quoi notre héros est censé être l'élu au cœur pur ni comment il peut considérer ses proches comme sa nouvelle famille, plus par dépit après sa désillusion sur sa mère que par attachement envers eux.
Et une telle paresse d'écriture, le film en est bardé. Si Billy peut bénéficier de la candeur maladroite et attachante de Zachary Levi, une fois qu'il met la mains sur ses super-pouvoirs, l'intrigue est complètement stoppée pendant une demi-heure entière pendant laquelle il ne pense à rien d'autre que de faire le fanfaron (l'origine de ses pouvoirs, ce qu'il peut en faire pour la communauté, même pas la recherche de sa mère, rien). Il faut attendre que Sivana (joué par un Mark Strong qui aurait mieux fait d'être Lex Luthor tant son personnage est dénué d'intérêt une fois qu'il se révèle n'être qu'un second couteau) arrive pour que le scénario se décide enfin à avancer (il en a mis du temps pour trouver un héros en collant qui fait le buzz sur le web, dites-donc
On ne peut en attendre plus de ce côté-là avec la direction globale qui ne peut pas s'empêcher de prendre le moindre élément du film pour une blague. De la transmission du fameux pouvoir (qui a pris tellement d'années et d'enfants recalés qu'on jurerait que la magie censée trouver le bon porteur a juste cherché au pif) à la prise de conscience de ses responsabilités après s'en être servi pour jouer les frimeurs (notre héros culpabilise pas plus que ça d'avoir mis la vie d'innocents en danger) jusqu'à
un climax ennuyeux où un combat regroupant une douzaine de personnages aussi puissants que Superman ne dépasse pas l'ampleur de destruction d'une grande roue de fête foraine, se résumant à une succession de blagues sur le concept que le film a épuisé au bout de deux heures: des gamins dans des corps d'adultes.
La soi-disant inspiration puisée sur des divertissements enfantins des eighties comme Big n'est rien de plus qu'une excuse pour resservir impunément des clichés dépassés. Shazam! déboule sur le marché avec trente ans de retard.
Le film essaye parfois de se contenir avec des scènes plus sérieuses mais le parcours de Billy n'a tellement aucun ancrage vers lequel se relier (pas même au méchant alors qu'ils auraient pu former un parallèle et une opposition d'âge intéressants) et l'écriture tellement paresseuse qu'il ne peut compter que sur un humour méta à la Deadpool pour se donner un genre (le combat final comporte un gamin qui fait s'affronter ses figurines de Batman et Superman, j'en peux plus...).
En plein visionnage, on se demande bien où veut aller Warner avec sa politique de films plus indépendants les uns des autres tant David F. Sandberg n'en fait rien du tout. Il croit que la soi-disant banalisation des super-héros dans cet univers est censé justifier une mise-en-scène aux abonnés absents (personne n'est impressionné par l'arrivée d'un nouveau super-humain avec des pouvoirs destructeurs, personne ne réagit au duel de supers, tout le monde trouve ça normal ou prend ça à la rigolade, le néant total). Le concept plus coloré que les précédentes productions DC sur le papier n'apporte aucune imagerie nouvelle, tout reste à un sempiternel gris. Les Sept Pêchés Capitaux ne sont que des tas de pixels kakis déjà vu mille fois (et invisibles tant la photographie ne met rien en valeur). Les combats sont d'une mollesse inacceptable aujourd'hui (interminables, aucune mise en tension, aucune ascendance, les perso se tapent dessus et sortent des blagues sans s'affaiblir ni prendre la moindre égratignure). L'apport de ce film sur l'Univers DC est inexistant (l'univers magique limité à une minuscule grotte et quelques portes) et sa cohérence interne a complètement foutue le camp (Batman et Superman devenus des icônes commercialisées, dont l'un est, je le rappelle, un tueur détesté par la population et l'autre un extra-terrestre responsable d'un 11 Septembre cataclysmique; et que fait la Justice League ?).
En fait, Shazam! peut se résumer aux dernières secondes de sa scène finale.
Un caméo de Superman dont le visage de la doublure est complètement hors-champ, alors même qu'Henry Cavill qui avait amorcé cet univers partagé va bientôt tirer sa révérence.
Bref, une mauvaise blague de mauvais goût.
Cut soudain, générique en dessins-animés (parce que même là il faut copier Marvel), c'est fini, le film est cliniquement mort.
Que retenir de tout ça ? Que Warner Bros. devrait arrêter une bonne fois pour toute ces tentatives plus pathétiques les unes que les autres de ranimer sa franchise morte. Quel est l'intérêt de faire des films qui doivent se conformer aux rythmes de productions et à la logique interne d'un univers partagé si ils doivent rester indépendants les uns des autres sans pouvoir se réunir un jour ? Tous les inconvénients d'un univers cinématographique sans les qualités.
DC mérite mieux que ça. Le public mérite mieux que ça...ou pas, puisqu'il encense ce sous-produit sans personnalité qui va, comme à l'accoutumée, diriger la suite des productions DC vers la comédie sans conséquences. Pourquoi en faire puisqu'il n'y a plus de promesse ?