Romeo and Juliet de William Shakespeare est vraisemblablement l'oeuvre romantique la plus connue au monde. Et pourtant, je ne la connais pas. Enfin, j'en connais les grandes lignes, mais pas le contenu. D'où ma curiosité intensifiée avant de voir ce film, curieux de découvrir un mythe de la littérature anglaise adapté au cinéma. J'étais aussi intrigué par l'impression que j'avais, et peut-être est-ce seulement une impression, que ce film, malgré son thème capable de réunir les foules sans difficultés, n'avait pas eu un franc succès auprès du grand public.
Toujours est-il que dès les premières minutes je me suis étonné du contenu. Cette double-introduction joue directement sur la richesse que se permet d'apporter une oeuvre du XVIème siècle, avec toutes les influences artistiques que cela apporte, dans un monde moderne. Baz Luhrmann donne donc une nature toute originale à son long-métrage, qui se caractérise par des dialogues en prose, repris de l'oeuvre originale, par des décors à la fois réalistes et fantaisistes, et par une bande-son qui varie entre rock des années 90 et musiques classiques. Ainsi, c'est comme si l'on découvrait deux univers en même temps, avec cette même attention toute particulière accordée à la symbiose poétique du fond et de la forme.
Epurée et édulcorée, la scène se situe au milieu de décors tous aussi merveilleusement travaillés les uns que les autres, qui nous donne l'impression de nous perdre dans une flopée de formes et de couleurs à l'esthétique parfaite. Ils arrivent à sublimer les personnages, qui, touchants et élégants, se fondent parfaitement dans cette ambiance aussi étrange que sublime. Moi qui m'attendais à une histoire assez niaise, j'ai été agréablement surpris de l'effort effectué pour rendre le film tout aussi chaleureux et doux que sombre et froid. La douceur d'une rencontre et la froideur d'une rivalité, chaque partie s'orchestrant l'une par rapport à l'autre de manière idéale, sans que l'une vienne prendre le dessus. On arrive à travers l'histoire à suivre un destin unifiant deux personnages, qui semble classique en soi mais qui de par son organisation parvient à devenir extrêmement profond.
Le couple formé par Leonardo DiCaprio et Claire Danes est touchant, et si leur relation est omnipotente je n'ai pas non plus eu l'impression de ne voir que ça. C'est ce qui fait la force de Romeo Juliet, en plus d'être composé avec beaucoup d'intelligence, il ne s'enlise pas dans des séquences trop simplistes (même s'il y en a quelques unes, et c'est ce qui en fait le charme) et reste toujours très varié, il ne s'essouffle donc jamais.
Pour en venir à des choses moins évidentes mais tout aussi agréables à découvrir, j'ai particulièrement apprécié la symbolique de la mort et des éléments qui y renvoient. Le choix d'avoir inversé les causes des décès entre Romeo et Juliet a une importance très forte. J'entends par là que dès le début du film on nous montre constamment une arme, le pistolet, en référence à Romeo, comme si ce dernier était condamné à croiser son chemin. Tandis que pour Juliet, le poison lui semble destiné. Et pourtant, on se rend compte que le poison finira par tuer Romeo et que l'arme décidera du sort de Juliet. Un échange tout à fait volontaire et très représentatif de l'amour pure et parfait, dans lequel ils ne semblent plus faire qu'un, unis dans la mort.
Mais, l'élément le plus important du film, plus significatif que n'importe quelle parole, c'est l'eau. Son rôle est primordial et représente un discours à lui tout seul. L'eau, c'est tout d'abord la barrière fictive entre ces deux amants (comme on le remarque lors de leur rencontre, avec l'aquarium), symbole de la distance qui les sépare à travers la rivalité de leurs deux familles. Et c'est aussi la représentation visuelle de leur amour éternel, envers et contre tous. Ce baiser sous la surface de l'eau dans la piscine est le passage le plus explicite du film. Comme si sous l'eau ils étaient dans leur vérité la plus pure, isolés de tous, ignorants le monde extérieur, et partageant leur amour dans un lieu presque intemporel. L'eau, barrière entre lui et elle dans un premier temps, devient finalement barrière entre eux et le reste du monde. Barrière sonore, visuelle, et même barrière du touché. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le film se termine sur l'image arrêté de ce baiser, symbole de l'amour éternel. (Au passage, le fait que cette image face suite à une plongée verticale sur leur lit de mort donne presque une impression de paradis, de paix retrouvée ; tandis que le fondu au blanc qui suit donne l'impression d'un retour au réel).
En fin de compte, une fois le film terminé, j'esquisse un sourire rassuré : Romeo Juliet est beau, dans le récit et dans la mise en forme, grâce à ses effets poétiques, ses signes du tragique et ses nombreux fétiches. Une agréable découverte, qui justifie donc la mysticité de cette histoire.