Le film The Reader s'est inspiré du best-seller du même nom, paru en 1995. L'oeuvre de Bernhard Schlink, professeur de droit berlinois et auteur de romans policiers, abordait avec pudeur une histoire d'amour entre un jeune étudiant et une femme de deux fois son âge. Premier roman allemand en tête de la liste des best-sellers du New York Times, il a attiré énormément de lectrices mais aussi de lecteurs. Un récit semi-autobiographique, publié en 1995 et traduit en 40 langues, dont le film de Stephen Daldry reprend exactement l'intrigue.
Ce n'est pas un mais deux décès qui frappent l'équipe du film Le Liseur. Les producteurs Anthony Minghella, âgé de 54 ans et Sydney Pollack, âgé de 73 ans, ont tous les deux disparu en mars et mai 2008. Ces deux grandes figures du cinéma auront marqué les esprits. Le premier a remporté 9 oscars pour son film Le Patient anglais tandis que le second, fer de lance du cinéma américain des années 70, aura mené une carrière éclectique jusqu'à la fin.
Se penchant sur la question et la compréhension de ce qu'il s'est passé durant la Seconde guerre mondiale, le roman de Bernhard Schlink est un livre décisif utilisé dans les manuels visant à comprendre l'histoire du pays. Si les droits d'adaptation cinématographique ont été achetés par Harvey Weinstein et Miramax films en 1996, c'est Anthony Minghella (entré dans le projet avec Sydney Pollack) qui à l'origine devait écrire l'adaptation et réaliser le film. Intéressé également, l'auteur de théâtre Sir David Hare tente de se faire confier l'écriture du scénario, en vain. Ce n'est qu'après avoir laissé passer les années que Minghella comprend que le temps lui manque. Egalement séduit, Stephen Daldry lui propose de se charger du projet. Il accepte à condition que le cinéaste en fasse son prochain film et que Sydney Pollack et lui-même puissent le produire. Complices depuis The Hours, Stephen Daldry s'adresse alors tout naturellement à David Hare et l'écriture du scénario peut enfin débuter.
Alors que le roman suit chronologiquement l'histoire de Michael Berg, procédant en trois segments distincts, le scénario du film "saute à travers le temps", selon les termes de David Hare. Désireux de se libérer le plus possible des traditions théâtrales, le dramaturge choisit de transporter le spectateur à différents moments clefs de la vie du héros, des années 50 aux années 90: "Quand je vais au cinéma, je suis assommé par tous ces films dont je peux prévoir le style et la forme dès que les lumières s'éteignent", confie t-il, essayant d'échapper ainsi aux "sempiternelles voix-off qui plombent les films racontés à la première personne".
"Je ne m'intéresse qu'à ce qui échappe clairement aux "genres" quels qu'ils soient", affirme le scénariste David Hare, décidé ainsi à s'éloigner des clichés habituels des films traitant de l'après-guerre et des complicités individuelles des crimes de l'Etat. Déjouant les attentes, son "oeuvre étrange" respecte et honore les victimes du nazisme, tout en évitant les notions de rédemption, de pardon. En Allemagne, The Reader est LE livre approchant la question du "comment pouvons-nous?". Il a ainsi reçu les plus extraordinaires louanges et les plus violentes attaques, précise le dramaturge, désireux d'aborder de façon directe la banalité du mal en montrant des gens ordinaires, des ouvriers de base et des habitants du coin plus que des ogres ou des vilains de cinéma.
"La seule façon de faire ce film était de le tourner en Allemagne, avec une équipe allemande", affirme Stephen Daldry. Ainsi hormis quelques plans filmés à New York, l'essentiel du tournage a eu lieu à Berlin, Gorlitz et Cologne. Née en Allemagne et faisant partie de la génération d'après-guerre, la décoratrice Brigitte Broch a grandi dans la colère contre ses parents. Le Liseur lui a donné l'opportunité de se confronter à son histoire: C'est tout simplement la première fois que j'ai le courage d'affronter tout cela, la première fois que je parviens à me dire OK, la peur et la culpabilité, ça suffit, il faut que je regarde ce problème en face," dit-elle. De même, les acteurs ont dû se plonger dans ce douloureux moment de l'Histoire en relisant et regardant des documentaires sur les camps. Une recherche qui a marquée Kate Winslet: "Pour Hanna, j'ai dû tellement lire de livres et regarder tant de documentaires sur les camps qu'à un moment, je n'en pouvais plus. Beaucoup de ces images ne me quitteront plus désormais, quoi qu'il puisse arriver," confie t-elle.
En quête de réalisme historique, Stephen Daldry et son équipe ont reçu l'aide décisive du Fritz Bauer Institute à Frankfort, qui possède des archives considérables sur les crimes nazis. Des photos et des transcriptions permirent également de reconstituer de façon authentique le tribunal, plusieurs juristes et magistrats impliqués à l'époque, apparaissant dans ces séquences.
Cinéaste aussi consciencieux qu'un metteur en scène de théâtre, Stephen Daldry aime travailler en étroite collaboration avec son scénariste, tout au long de la phase de production. Le romancier Bernhard Schlink, qui figure dans la scène où les amants déjeunent pendant leur voyage à vélo, a eu l'occasion de remarquer et d'apprécier son obsession pour l'authenticité: "Stephen a le sens des détails les plus fins, les plus subtils et c'est un talent pour lequel j'ai une très grande admiration," avoue t-il.
Initialement, le rôle féminin devait être interprété par Kate Winslet. Mais l'emploi du temps de l'actrice, déjà sur le tournage des Noces rebelles ne lui permet pas de se libérer. C'est alors Nicole Kidman qui reprend la vedette. Ce changement ne dure pas, puisque très rapidement, l'actrice déserte le plateau pour cause de grossesse. Alors qu'elle avait déjà tourné quelques scènes, c'est finalement Kate Winslet, une fois le tournage des Noces rebelles achevé, qui devient définitivement l'interprète féminine d'Hanna. A la hauteur de la performance, la comédienne a remporté la même année le Golden Globe de la Meilleure Actrice pour Les Noces rebelles de Sam Mendes et l'Oscar de la meilleure actrice pour Le Liseur.
Bernhard Schlink a pensé dès le départ à l'actrice Kate Winslet pour interpréter la "sensuelle et enracinée" Hanna. Un peu jeune à l'époque pour s'y projeter, l'actrice a néanmoins lu d'une traite cette passionnante histoire, se sentant peu à peu assez mûre pour gérer l'évolution du personnage, de ses 30 ans à ses 70 ans. L'actrice est très enthousiaste en repensant à son travail avec Stephen Daldry avec qui elle s'est entendue "comme [s'ils] faisaient partie de la même tribu. Il a une énergie sans limite et une vraie passion pour son histoire. Il sait si bien comment il veut la raconter qu'il lui est très facile et agréable de recevoir les suggestions et les idées de ceux avec qui il choisit de travailler", remarque t-elle.
Michael Berg jeune est interprété par l'acteur débutant David Kross puis plus vieux par l'acteur vétéran Ralph Fiennes. La mère du jeune acteur a accepté de le laisser jouer à condition que cela ne parasite en aucune façon son année scolaire. Ayant réussi haut la main ses examens, le jeune comédien passe trois auditions avant de décrocher le rôle. Si pour aborder son personnage, Ralph Fiennes a beaucoup interrogé son scénariste, le jeune Kross a appris à faire des recherches, également sous la houlette du réalisateur qui l'a poussé à lire tout ce qu'il pouvait sur le 3ème Reich et l'a emmené au Musée Juif de Berlin. Dans une démarche d'authenticité, l'acteur s'est rendu avec une petite équipe au camp de Stutthof en Pologne pour la séquence où son personnage erre sur les lieux en tentant d'imaginer les horreurs passées.
Troisième film du jeune acteur allemand, David Kross, The Reader lui a permis de perfectionner son anglais. Un travail de sept heures par jour avec le coach linguistique William Comache , sans lequel il n'aurait rien appris. En effet, l'acteur devait non seulement donner l'impression que l'anglais était sa propre langue mais aussi apprendre à lire Horace en latin ou Sapphoen en Grec, sans la moindre difficulté.
Si lorsqu'il a été choisi pour le rôle, David Kross avait à peine 15 ans, au moment de tourner les scènes sexuelles qui occupent une bonne partie du film, il avait 18 ans révolus. Stephen Daldry n'a pas voulu effacer l'écart d'âge pourtant controversé entre les deux amants, leur appartenance à deux générations bien distinctes étant selon lui ce qui permet à l'histoire de fonctionner.
Kate Winslet s'amusa beaucoup du vieillissement de son personnage sur le film, au contraire de l'équipe pour qui son apparence a été un choc. Aidée de la maquilleuse Ivana Primorac, nominée au BAFTA pour son travail sur Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street et REVIENS-MOI, elle se glissait chaque jour dans un costume de latex pour épaissir sa silhouette plutôt que de se contenter de rembourrer son costume. Quatre heures de préparation qui modifiaient alors profondément son langage corporel: "Le moins qu'on puisse dire est que ça donnait de l'épaisseur au personnage... ", s'amuse t-elle.