Une ville, plusieurs réalisateurs. Concept à la mode (après "Paris je t'aime" et avant "New York i love you"), c'est aujourd'hui au tour de Tokyo d'être cerné par les caméras. Ici, l'histoire est plus dictée par les personnages que par la ville, presque interchangeable. Adoptant le format "lettre", de plus d'une demie-heure, plutôt que la toujours frustrante "carte postale" de cinq minutes, Michel Gondry, Leos Carax et Bong Joon-ho - cherchez l'intrus, lâchés en liberté, y prennent visiblement du plaisir et le spectateur aussi - au moins deux fois sur trois. Car il y a toujours un vilain petit canard, un segment dispensable, ici le sketch de Carax. Un retour raté après neuf ans d'absence, où l'ancien enfant terrible du cinéma hexagonal s'amuse tout seul à filmer en DV ou avec son portable un Denis Lavant tout barbouillé mais sans scénario, juste influencé par "Frankenstein" ou quelques épisodes christiques. Finement appelé "Merde", on pourra au moins dire que l'étiquette correspondait au produit. Plaisir garanti en revanche avec Michel Gondry et Bong Joon-ho. Le premier suit, dans son style toujours naïf et enfantin, les aventures d'un couple qui débarque à Tokyo, avec peut-être un peu moins de bricolages carton-pâte qu'à l'accoutumé, mais avec un script toujours aussi délirant. Le second clôt le voyage avec une histoire d'enfermement urbain où un homme sort de chez lui après dix ans passé chez lui sans sortir, un récit simple et beau, judicieusement exploité par une mise en scène aérienne. La claustration puis la redécouverte de la vi(ll)e sont filmées avec grâce et légèreté, enveloppées par une sobre partition de guitare. À classer pas loin derrière "New York Stories", de la Sainte Trinité Scorsese-Coppola-Allen.