Elle était vieille fille, femme de ménage à la journée à Senlis, parlait aux arbres et surtout à la Sainte Vierge et aux anges et un jour, ceux ci lui ont dit: tu dois peindre. La nuit, après sa journée, elle peint, donc, sur des cartons, avec des pigments improvisés: sang d'animal, boues, fleurs... qu'elle collecte inlassablement. Sa chance est de croiser le chemin du marchand d'art Wihelm Uhde (excellent Ulrich Tukur), allemand et homosexuel, qui a découvert le douanier Rousseau et lancé la mode des peintres naïfs. Il est fasciné par ces fleurs /fruits flamboyants, enchevêtrés dans des compositions oniriques -ce qu'on nous montre des grands formats peints un peu plus tard sur toile par Séraphine Louis, c'est effectivement fascinant. Mais il y a la guerre de 14, Uhde doit fuir la France. Après avoir retrouvé Séraphine après la guerre, vient la crise financière et la stagnation du marché de l'art. Entre temps, Séraphine a cru qu'elle allait être reconnue comme une grande artiste, exposée à Paris, elle s'est engagée dans des dépenses inconsidérées.... quand ce rêve là se brise, elle se brise aussi et finira sa vie dans un asile d'aliénés. Yolande Moreau prête son physique... différent à l'héroïne, elle est formidable. Sur son visage, dans ses yeux, passent toutes les nuances: ruse paysanne, espérance, arrogance (elle n'est pas facile, Séraphine! sous son humilité apparente, il y a toute la révolte contre l'humiliation ordinaire...), désespoir (quand elle pense que son protecteur l'a trahie, abandonnée : "vous n'aimez plus ma peinture, monsieur Uhde?"). Moreau est formidable, et le film est passionnant. C'est une belle chose de découvrir un cinéaste français comme Martin Provost qui fait du cinéma intelligent pour spectateurs intelligents. Le rapport entre le sens du beau et l'éducation est au centre de ce film, il en parle très bien, on est heureux d'avoir fait la connaissance de cette personne bien oubliée. Espérons que ce film rare touchera un vrai et grand public