Séraphine,2008, de Martin Provost. Minutieux biopic d’une artiste peintre, incarnée par une Yolande Moreau touchée par la grâce. Séraphine est bonne à tout faire, inculte, vierge de toute influence, illuminée par sa ferveur religieuse. Un galériste allemand, découvreur, entre autres, du Douanier Rousseau, va remarquer les petites natures mortes de la servante et l’encourager à travailler. L’aide du mécène, remarquable Ulrich Tukur à l’écran, sera sa chance artistique, mais entraînera aussi sa perte, l’approche d’un possible succès lui faisant franchir le mince voile qui séparait sa puissance créatrice du délire psychotique. Avec des plans longs, lents, cadrés comme des tableaux vivants, le spectateur suit le parcours de cette artiste hors norme, inspirée par la nature qu’elle contemple et dévore, dans laquelle elle découvre en alchimiste les bases de fabrication de ses pigments. Il faut entrer dans le film en confiance, sans jugement, appréhender les étonnants rapports que Séraphine entretient avec son mécène. Le cinéaste a en plus réussi à placer au centre de son œuvre un passionnant questionnement sur l’acte de création. Au début, les petits tableaux de Séraphine traduisent son énergie, sa vitalité, sa compréhension instinctive de la nature, puis, les années passant, l’artiste produit de façon compulsive des toiles de plus en plus grandes, épuisant sa santé physique et mentale. De simples et fraîches avant la guerre, ses compositions deviennent, à la fin des années 1920, labyrinthiques, ses feuilles sur travaillées semblent passer du monde végétal à un monde animal dévorant. Elle est internée et cesse de peindre en 1932, mais ne mourra que 10 ans plus tard, en hôpital psychiatrique, de faim, comme 45 000 autres aliénés durant la guerre. Cet épilogue constitue le gros défaut du film, lestant bien inutilement la dernière demie- heure, alors qu’il aurait gagné à n’être qu’évoqué. L’essentiel était dit, merveilleusement dit.