L'histoire d'une famille qui remplit deux heures trente de film tellement elle est simple. C'est le genre de film qui ne donne pas envie d'avoir une famille. Entre la mère qui est prête à « récupérer son bien », c'est à dire la moelle de ses enfants (et pourquoi pas des petits enfants) pour gagner 5 ans sur sa maladie, le fils fou qui va de catastrophe en faillite et les fous qui sont internés puis sauvés par l'amuuuuur, il y a des gens qui font froid dans le dos. Mais contrairement aux films déprimants ou borderline de Téchiné ou autres Carax, ici on est en bonne compagnie bourgeoise légèrement artistique du Nord. Les acteurs sont magnifiques et forts, et ils n'hésitent pas à suivre le réalisateur pour rendre crédible leur personnage, quitte à se rendre franchement impopulaire. C'est là que le talent ou la méchanceté profonde de Deneuve fait merveille, tandis que l'impétuosité incontrôlable d'Amalric est à son comble. Rien que pour eux, et quelques scènes abjectes sur les rapports mère chienne / fils incestueux sont évidemment très au dessus de la moyenne des films Français. Même les personnages les plus simples et semble-t'il les plus sympathiques ne valent pas mieux. Melvil est superbe et superbement accompagné par Chiara, tandis que la palme de la folie douce revient à Consigny qui signe là son meilleur rôle depuis longtemps. Elle a raison, et pourtant elle sent qu'elle a tort face aux autres, plus souples et plus lâches face aux salauds. Et la fin, bien qu'hermétique résume plutôt élégament la seule issue pour les calmes qui n'aiment pas l'humanité brouillonne, le monde imaginaire autant que parallèle. Les seconds rôles sont aussi bien joués, et les contrastes ou l'exotisme rendent la bourgeoisie beaucoup moins caricaturale que dans les Chabrol. L'autre qualité, c'est évidemment la tension. On ne sait pas si tout va très mal finir, ou si la fin va se jouer du spectateur. Et malgré la longueur du film, on ne décroche pas grâce à la qualité du rythme et l'accumulation des personnages et des anecdotes. Dans les côtés qui fâchent, il y a la caméra prise à partie par Deneuve, qui rappelle furieusement ce ratâge documentaire qu'elle avait tourné avec un naturel très difficile à capter pour l'artisanat de luxe français. C'est une scène lourde, sans doute nécessaire pour montrer la suffisance égocentrique du personnage, mais qui met à mal la cohérence de l'ensemble pourtant bien présente. Parfois, la caméra est aussi paresseuse, tandis que l'on sent que certains personnages sont livrés à eux-mêmes par manque d'idées. Mais là, c'est le charme de l'entreprise tout de même très originale qui est renforcé. On notera ce qui semble être une erreur de script (le dos d'Amalric avant la rixe). Mais dans l'ensemble, tout se tient sur la conséquente durée. La musique est aussi bien sympatique. Bref, si on supporte le sujet, c'est quand même un bon film qui essaye un peu de réinventer les codes du film d'auteur avec un réel effort d'écriture et de photographie. Surtout de la part de Depleschin, d'aussi loin que je m'en souvienne, ne m'a jamais captivé, loin de là. La qualité du jeu n'explique pas tout, c'est pourquoi c'est vraiment un film à découvrir.