En 1992, on a beaucoup parlé de la mort du juge anti-mafia Borsellino dont la voiture pulvérisée par une bombe avait laissé dans la rue un monstrueux cratère. Mais le suicide de Rita Atria (Mancuso dans le film), principal témoin sans qui le procès d'un certain nombre de mafieux siciliens n'aurait pu avoir lieu, une semaine après la disparition du juge, n'a guère défrayé la chronique. Le film de Marco Amenta, entre documentaire et fiction, rend hommage au destin impitoyable de cette gamine de 17 ans, prise entre le marteau et l'enclume, et qui n'avait que le sacrifice comme issue. Antigone des temps modernes, elle a eu le malheur de naître fille de "parrain" et de voir son père éliminé par un prétendu allié parce qu'il refusait d'entrer dans le commerce de la drogue, nouveau filon exploité par Cosa Nostra. Quand son frère subit le même sort quelques années plus tard, elle n'est plus que désir de vengeance et remet au procureur (Gérard Jugnot, bizarrement doublé mais c'est une technique familière au cinéma italien) le journal des exactions mafieuses qu'elle tenait depuis la mort de son père. Dès lors, reniée par les siens, en particulier par sa mère, sorte de Médée noire et rigide, elle devient un témoin protégé, changeant d'identité et de domicile, vivant à chaque seconde dans la peur de tomber sous les balles d'un homme de main. Impressionnante et poignante, l'entrée de Rita dans la salle du tribunal, passant fière et droite devant les "cages" des mafiosos, soutenant leurs regards meurtriers, ignorant leurs insultes, décidée à aller jusqu'au bout et pressentant que de ce "jusqu"au bout", elle ne reviendrait pas. Veronica D'Agostino vit intensément son personnage, sa détresse de jeune fille qui n'a pu se cacher plus longtemps qu'elle appartenait à une famille d'assassins et que ceux qui auraient dû l'aimer ne songeaient qu'à la trahir, et sa force implacable de justicière pour qui la condamnation de Cosa Nostra pouvait seule justifier sa vie saccagée.