S’il y a bien un film français qui méritait d’être restauré en 4K, c’est bien "Cartouche", le seul inconvénient étant de faire disparaître le grain de l’image qui trahissait le millésime 1962. Sinon, ce n’est que du bonheur à plus d’un niveau. Primo l’image en général, cette nouvelle technologie rendant plus nets les moments d’action. Secundo, la 4K permet de sublimer également la séquence finale, augmentant les contrastes entre les dorures du carrosse et la noirceur des profondeurs de la nuit (superbement animée par les torches). Tertio, le spectateur pourra profiter pleinement de la beauté des costumes. Comment ne pas être émerveillé par ces costumes d’un autre temps ? Comment ne pas être admiratif devant cet accord parfait de ces tenues de la tête aux pieds ? (Parfait ? Trop peut-être du côté des plus pauvres vêtus de guenilles ?) Comment la gente masculine ne peut-elle pas fondre devant ces décolletés étourdissants, ceux-là même qui mettaient en valeur les meilleurs atouts de ces dames sans que ce ne soit jamais vulgaire ? Disons pour résumer que d’une façon plus générale, la restauration rend ce long métrage encore plus flamboyant qu’il ne l’était déjà. Si vous voulez mon avis, Philippe de Broca a montré qu’il avait plus d’une cartouche dans son sac pour dégainer un tel film d’avantures. La preuve, il a su s’entourer des plus grands. D’abord le scénariste Daniel Boulanger (ou plutôt co-scénariste puisqu’il est venu seconder le cinéaste à l’écriture), à qui on devra par la suite "L’affaire Dominici" (avec Jean Gabin), "Police Python 357" (avec Yves Montand). Ensuite Georges Delerue, qui signe là une partition géniale, laquelle plonge le public tout de suite dans un temps révolu par le biais du générique du début, promu également comme machine à remonter le temps avec la présence des noms sous une calligraphie quasi disparue sur des supports eux aussi quasi disparus. Et puis il y a les acteurs. Evidemment, il y a les têtes d’affiche, occupées par un Jean-Paul Belmondo comme on l’aime (remuant, flamboyant, charmeur…) et une Claudia Cardinale plus belle que jamais, même en bohémienne. Rien de très étonnant quand on sait qu’elle a été élue la plus belle italienne de Tunis à seulement dix-sept ans… un concours de circonstances qui donnera le top départ à une sacrée filmographie curieusement restée sans récompenses notables hormis les trois reçues pour l’ensemble de sa carrière. Cachée sous son teint hâlée, on aimera la voir sourire tant elle s’illumine, surtout avec une dentition aussi parfaite. Mais… en ce temps-là, une bohémienne pouvait-elle avoir une dentition aussi parfaite ? Boaf, on s’en fout, au final ce n’est pas si important car qu’est-ce qu’elle est belle à regarder ! (Soupir…). Franchement, qu’est-ce que j’aurai aimé être à la place de Belmondo, ne serait-ce que pour avoir le droit d’embrasser cette magnifique italienne ! (double soupir…) Oui bon je sais que ce n’est que du cinéma mais… (triple soupir…). Ooooooh Steph, reprends-toi !! C’est vrai quoi, ce serait trop facile et vachement réducteur et donc malhonnête de ne parler que de ces deux acteurs principaux , même si on doit reconnaître que Belmondo porte le rythme et qu’il fait plus que se débrouiller dans le maniement des armes. En effet, on notera quelques seconds rôles succulents, à défaut surprenants. Je commence par deux noms qui deviendront des figures emblématiques des Grosses têtes sous l’ère Bouvard : Philippe Castelli qui fait une courte apparition en commissaire, et Jacques Balutin en moine nommé sous le drôle de patronyme Capucine. J’ai un regret concernant le rôle confié à Jacques Balutin, c’est qu’il ne soit pas davantage développé car selon moi, il y avait matière. Un peu comme Michael Curtiz et William Keighley l’avaient fait lors de "Les aventures de Robin des bois" en 1938 (punaise, ça ne nous rajeunit pas) avec l’impayable Frère Tuck. Je poursuis par les quelques apparitions de Paul Préboist, que j’ai failli ne pas reconnaître. Et par Odile Versois, dans le rôle d’Isabelle de Ferrussac. Un rôle utile au film pour nous amener la fin telle qu'on la découvre, mais aussi dans le sens que si j’avais été dans le film, j’aurai laissé volontiers cette dame à Belmondo pour que je m’occupe de Claudia… Raaaaah ça recommence ! Bon ça vaaaa, je rigoooole, j’étais même pas né à cette époque. Mais quand même… (nouveau soupir…). Bref ! Comment ne pas citer Jean Rochefort et Jess Hahn ? Avec Belmondo, ils vont former un excellent trio, copains comme cochons. L’alchimie a opéré entre les trois acteurs et ça se voit à l’écran, ce qui a permis d’intégrer aussi de l’humour par le ridicule de la situation (la guerre, avec entre autres leur tricornes déchiquetés pour donner d’étranges sculptures). A eux trois, on pouvait déjà parler du bon (Jean Rochefort), de la brute (Jess Hahn, bizarrement appelé ici « La douceur » et qui aurait pu par ailleurs occuper le rôle d’Obélix) et du truand (Bébel). Pour ce film, tout a été fait dans la plus grande facilité pour un divertissement populaire, mais c’est aussi à ce jour (c’est-à-dire à mon stade de découverte ou redécouverte) le film le plus abouti de Philippe de Broca que je connaisse. Une belle réussite venue couronner la première collaboration Bébel/de Broca qui a peut-être boosté les entrées enregistrées leur deuxième partenariat ("L’homme de Rio"). Alors certes, il y a comme un léger parfum de Robin des bois, de Zorro également avec la signature systématique des méfaits par une initiale. Après, tout n’est pas parfait. Certaines choses sont trop appuyées, comme les ronflements. On pourra reprocher aussi par moments un ton un peu trop théâtral. C'est souvent le lot des films qui ne se prennent pas trop au sérieux. Dans tous les cas, je ne me souvenais pas à quel point ce film était bon, de sa bonne qualité de divertissement. Après tout, on a un trio formidable, un peu d’humour, des costumes magnifiques, une direction artistique des plus réussies à travers les décors et accessoires, et de l’action. Que demander de plus au peuple ? Pour ma part, pendant près de deux heures, j’ai quitté le XXIème siècle. Et je me suis souvenu de termes aujourd’hui disparus, du genre « fariboles ».