Sorti un an après « Les trois mousquetaires » de Bernard Borderie, « Cartouche » adopte le même rythme westernien et les mêmes bagarres animées par un héros acrobate et épéiste avec le mobilier qui vole dans tous les coins. Très influencé par le cinéma américain, le réalisateur rencontra parfaitement le désir des producteurs Georges Dancigers et Alexandre Mnouchkine qui voulaient réitérer le succès de « Fanfan la tulipe » réalisé dix ans plus tôt. Il faut reconnaître que jusque là le fil de cape et d’épée européen, Riccardo Freda excepté, faisait preuve d’un statisme aussi aristocratique que pesant, comme « Le Capitan » d’André Hunebelle avec Jean Marais, sortit à peine deux ans plus tôt. De Broca d’emblée s’entoure des meilleurs : Christian Matras à la photographie, François de Lamothe au décors, Rosine Delamare aux costumes et Claude Carliez pour les bagarres. Conjointement le casting n’est pas en reste : Jean-Paul Belmondo, Claudia Cardinale, Jean Rochefort, Odile Versois, Philippe Lemaire, Marcel Dalio et Noël Roquevert. Pourtant le film de Boderie ne manquait pas d’arguments avec Mylène Demongeot et Perette Pradier. Mais, ici, la sensualité du couple Claudia Cardinale – Jean-Paul Belmondo, réuni un an plus tôt dans « Le mauvais chemin » (« La Viaccia ») de Mauro Bolignini, et l’ambigüité du personnage interprété avec finesse par Odile Versois font était clairement d’un niveau supérieur. Aidé à la fois de son fidèle complice Daniel Boulanger (dialoguiste de haute volée) et de Charles Spaak, gloire des années quarante et cinquante (chez Renoir entre autres), de Broca entremêle soigneusement comédie, drame et règlements de compte. Sur ce dernier point, traumatisé par son passage en Algérie, les scènes de guerre, au delà de leur côté burlesque, contiennent un portrait au vitriol de la stratégie militaire et des généraux qui vont avec. Quelques vérité également comme cette réflexion nihiliste sur un peuple qui ne pense qu’à se venger, ou cette dévaluation de l’or que le héros distribue comme des bonbons a des écoliers. Passé l’aspect comique de la première partie, la mort s’invite dans le déroulé, rendant le film de plus en plus mélancolique. La partition remarquable du grand Georges Delerue, accompagne avec une justesse exemplaire cette évolution. La fin de Vénus, la dernière phrase de Cartouche, replongent subitement le romanesque dans la réalité historique, quittant l’opérette pour l’opéra, le grand. Contrairement à Borderie qui tombera dans une paresse coupable (les deux « Pardaillan », trois des cinq « Angélique »), de Broca enchainera brillamment, à commencer deux ans plus tard avec « L’homme de Rio ».