En tant qu’enfant de la VHS il est inutile de préciser que les cassettes grossièrement estampillées S.O.S Fantômes I et II au stylo bille ont fait les beaux jours des bobines de mon magnétoscope, deux classiques du divertissement 80s à l’épreuve du temps qu’on mate et remate volontiers au moment des fêtes, retrouver le quatuor de chasseurs de revenants new-yorkais mené par Bill Murray demeure un plaisir infaillible. S’attaquer au culte ce n’est pas évident, tout le monde en conviendra, plus on laisse les décennies défiler plus le risque augmente, car tout n’est que contexte, les modes changent, les productions scrutent leurs chiffres, les acteurs vieillissent … ne subsistait que le fantasme d’une prétendue reformation. Le projet trainait sur la table depuis 6-7 ans, avec le retour du cast original, puis s’accumulèrent les désaccords contractuels, les retards de pré-production, etc, un serpent de mer qui semblait voué aux cuvettes d’Hollywood, sans compter le décès de Harold Ramis qui sonna définitivement le glas d’un troisième opus. C’est là que l’action-rom-comer Paul Feig entre dans la danse pour reprendre l’ébauche de script, objectif : remake/reboot/sequel féminin made in SNL pour préserver la tradition, à peine le temps de laisser planer le mystère que les premiers teasers battaient des records de badbuzz, plutôt à juste titre, car il faut dire qu’après tant d’attente pour reprendre un bouchée de sa madeleine il est tout de même frustrant de se voir proposer du pop corn au caramel rose gluant, mais comme on dit, laissons la chance au produit, goûtons !
Déjà autant le dire tout de suite je ne connais pas Feig et ses films ne m’ont jamais intéressé, mais était-il peut être l’homme de la situation, capable de donner une certaine dynamique à la franchise et de surprendre, je ne pouvais donc pas affirmer que le réal des Flingueuses allait chier sur notre jeunesse, même si j’avoue que je le pensais et le soupçonnais très fort, après tout je ne demandais qu’à ce qu’il fasse taire mes aprioris. Du coup la séquence d’introduction m’a plu car elle fait réellement office de clin d’oeil au film de 84, une situation inquiétante pour faire exploser le générique et ainsi partir sur quelque chose de davantage léger, de ce fait les premières 20 minutes se tiennent plus ou moins, les personnages féminins sont présentés correctement avec chacune leur bagage pour briser le mur qui nous sépare de l’occultisme, dans un ton résolument plus axé sur l’humour que ses prédécesseurs. Ce n’est qu’à partir de l’entretien avec le doyen de la faculté que j’ai su que le film allait trop en faire et rapidement m’exaspérer, plus de place au potentiel raffinement pour sauter à pieds joints dans la grosse mare de la potacherie, pourtant je ne demandais pas nécessairement quelque chose de relativement sérieux mais au moins jouer sur les deux tableaux, car la part réservée au fantastique va se retrouver étouffée par cette surmultiplication de gags se vautrant à chaque instant.
Pas de doute on est dans la comédie américaine stéréotypée, toutes proportions gardées corrélatives aux nôtres, cette manière d’appuyer l’humour avec une insistance embarrassante, la mise en scène de Feig ne fait qu’affirmer cette volonté, remplie de gimmicks se répétant inlassablement jusqu’à l’excès (couper la musique pour balancer la punchline), et ce qui est regrettable c’est que les personnages en pâtissent, car ayant au départ leur personnalité ces nanas s’uniformisent pour placer chacune ici et là leur petite réplique récréative préalablement écrite sans cette spontanéité inhérente à l’histoire censée se dérouler sous nos yeux. En fait j’ai eu l’impression que l’ambition du film était de réaliser une parodie où s’accumule les séquences quémandant le rire du spectateur, car entre faire rire et forcer à faire rire le choix est ici clairement établit, au bout d’un moment c’est la lourdeur absolue, quand on signe pour Ghostbusters c’est somme toute normal de demander à voir autre chose. La faute en grande partie due à ce méchant tout à fait nullissime ne fournissant aucun enjeu possiblement exploitable, l’opposition est bâclée et trahis l’éventuelle quête des héroïnes, qui ne trouveront grâce qu’en capturant un démon verdâtre au beau milieu d’un concert de hard rock, peut être la scène la plus marquante, à défaut d’être vraiment réussie.
Au final je dirais que ce sont les références et autres caméos visant à légitimer ce nouveau produit qui font tenir un minimum ce film à flot, enfin pour la partie du public amoureuse des premiers volets, les autres y verront peut être une bonne petite comédie, sans doute digne des précédents longs métrages de Feig, mais rien que la séquence de Bill Murray en démystificateur mérite un coup d’oeil attendrissant, tout comme Dan Aykroyd en chauffeur de taxi, deux trois autres sont également sympas, par contre l’apparition de Ernie Hudson arrive vraiment de nulle part, étrange. Les actrices principales quant à elles sont légitimes étant donné le projet, mais les traits sont parfois poussés à l’extrême, rien que le personnage de McKinnon en scientifique exubérante surjouant à coeur joie (allant même jusqu’à lécher goulument ses flingues lors d’une scène de fight final comme d’ordre habituel bouffie et interminable) est assez insupportable, Leslie Jones prend le costume de la renoie de service avec tous les clichés de langage qui y sont rattachés, même si cela constituent certainement malgré elle les moments les plus drôles du film (la fuite face au mannequin par exemple), et puis on a aussi et surtout Chris Hemsworth en secrétaire mongole au potentiel humoristique intéressant mais encore une fois victime de cette écriture balourde le rendant fatiguant.
Pour ma part ce Ghostbusters échoue dans sa tentative d’hommage aux films de Reitman tant le résultat ne s’apparente qu’à un simple petit remake féminin lisse et consensuel, je pense qu’après tout Feig a fait ce qu’il sait faire, je ne lui jetterais pas la pierre, c’est surtout que le ton est hors sujet par rapport à sa matière première, la faute revient inévitablement à la production, préférant fédérer le public. C’est triste à dire mais je n’ai pas eu l’impression de regarder un S.O.S Fantômes, incapable malgré toute volonté à retrouver l’esprit fantastico-humoritique de ses fameux divertissements 80s tant chéris, définitivement napée sous une couche numérique fluo sans saveur pour délivrer une comédie tire-rire fastidieuse. Évidemment le marketing a fait le boulot pour ce qui est de nous vendre tout ça, facile et cruel de jouer avec la nostalgie des gens pour au final enterrer les espoirs, l’industrie n’appartient désormais plus qu’aux commerçants adeptes du recyclage sélectif, vivement cette suite qu’ils ont d’ores et déjà mis en chantier …