Il n'y a rien de plus difficile que de toucher à quelque chose de culte, et la production de ce Ghostbusters en est le parfait exemple. Les deux anciens opus avaient très vite gagné une fanbase extrêmement solide et sont devenus des objets de cinéma quasiment inattaquables, malgré le fait qu'ils soient des films relativement perfectibles. Humour souvent beauf, jeux d'acteurs parfois approximatif, effets spéciaux sérieusement datés même pour l'époque etc. Une réactualisation de la formule semblait une bonne idée, le casting original se faisant trop vieux pour rempiler - surtout qu'il a connu un décès dans l'équipe - le changer s'annonçait comme rafraîchissant surtout que le choix d'une équipe entièrement féminine était judicieux. La haine qui a entouré ce choix est totalement injustifié surtout qu'il s'impose dans une logique de déconstruction du premier, une promesse de palier à l'aspect beauf de ses Ghostbusters qui était particulièrement lourd et qui semblait être un choix réfléchi et non une envie de faire du buzz. Malheureusement on vit dans une époque où avoir un blockbuster estival avec un casting principal intégralement composé de femmes pose encore problème, surtout que Ghostbusters s'impose dans ce domaine comme jeune premier. C'est dommage que ce soit son envie de faire bouger les choses qui a causé sa mort au box-office - le film ne rapportant pas autant qu'il aurait dû - car au final il s'impose comme un reboot/remake sympathique de la franchise, qui malgré des défauts agaçants offre aussi de belles choses.
La première scène du film, place vraiment le spectateur dans une position de confiance. Elle use habilement des codes du cinéma d'horreur, construit un build up intéressant autour de l'apparition du fantôme et laisse le plus gros en hors champ pour laisser l'imagination travaillé un maximum. Prenante, avec de vrais idées de mise en scène, cette première séquence est une réussite à tout les niveaux. C'est après ça, lorsque que Paul Feig reprend le dessus sur son film que le bât blesse. Le bonhomme ne sait jamais vraiment imposé par sa finesse, et même si il se rêve en grand cinéaste féministe, il n'a jamais vraiment su offrir un film digne de ce nom ou encore moins un personnage féminin mémorable. Et lorsqu'il présente ses personnages et qu'il pose les bases de son film, le tout fait très peur pour ce que l'on s'apprête à voir. La demi-heure d'exposition est laborieuse, les personnages ne sont que des stéréotypes ambulants, l'humour est bien trop potache et tombe souvent à plat et le tout peine vraiment à aller quelque part. On est dans du Feig pur souche et ce n'est pas ce que le spectateur est venu chercher. Pourtant, quand l'équipe est enfin réuni, le charme opère et l'héritage des deux précédents films prend ton son sens. Même si on est encore dans un film de Feig, c'est ses fulgurances qui prennent le dessus, comme lorsqu'il brosse le portrait d'abruti fini. Il avait déjà fait un excellent travail avec le personnage de Jason Statham dans Spy et ici le personnage de Kevin le secrétaire est tout aussi hilarant de débilité surtout qu'il est interprété par un Chris Hemsworth qui se fait clairement plaisir et qui amuse à merveille.
Ensuite, on se retrouve dans un vrai Ghostbusters, on retrouve la plupart des codes des anciens films et il se montre respectueux dans sa manière de faire du neuf avec du vieux. Il explore vraiment plus en profondeur l'univers dans lequel évolue les personnages. On a le droit à des gadgets plus poussés et assez cool tout comme une vraie cohésion d'équipe car ici on les voit vraiment s'entraîner et évoluer. Les relations entre les personnages sont mieux travaillés, même si elles restent relativement classiques, mais le duo comique que forme Kristen Wiig - ici vraiment excellente - et Melissa McCarthy - plus posée dans son jeu et moins insupportable que d'habitude - fonctionne à merveille. Ces deux personnages évoluent vraiment et sortent quelques peu de leurs clichés mais dommage que ce ne soit pas le cas pour les deux autres. Le personnage interprété par Kate McKinnon - vraiment brillante et charismatique pourtant - n'est qu'une caricature ambulante du geek qui avait un potentiel de fou mais qui n'est jamais exploité. Le traitement du personnage reste bien trop en surface et se contente de forcer le cool en l’imposant comme superbadass et original, ce qu'elle n'est pas vraiment car elle n'est conçu que sur des artifices, elle n'est que poudre aux yeux qui confond apparence à profondeur. Un tel personnage à un potentiel loufoque quasi-infinie, et Feig aurait vraiment pu en tirer le portrait d'une outsider magnifique mais préfère la forcer en objet de la pop culture. On aura quelque chose d'assez similaire avec le personnage de Leslie Jones qui ne sort jamais de son cadre et qui n'a aucune nuances ou évolution. Ce qui n'est pas vraiment aidé par le jeu un peu trop figé de l'actrice. Le problème vient aussi du fait qu'on a trop souvent l'impression qu'elle fait un sketch pour le Saturday Night Live plutôt qu'elle travaille un vrai personnage.
Au niveau de l'intrigue le tout est assez prévisible. Le méchant manque d'envergure et ses motivations sont ridicules tout comme son plan qui est bâti d'incohérences. Le tout apparaît comme des tentatives de retarder le climax, comme la première confrontation qu'il a avec les Ghostbusters qui est tout bonnement inutile et téléphoné. Surtout que ses actions manquent de logique et entraîne un climax qui se veut apocalyptique mais qui est mou et très cheap. La confrontation majeure n'est qu'un combat en arène mal improvisé où les fantômes décide d'être fair play en attaquant en petits groupe au lieu d'anéantir les héroïnes et la ville. On a vraiment un manque de mise en danger flagrant et on glisse dans l'ennui malgré des chorégraphies de combats plus que corrects et des effets spéciaux plutôt réussis. Dommage par contre que Paul Feig n'a aucun sens de la mise en scène. Le tout se révèle visuellement assez plat malgré une photographie très coloré et plaisante. La soundtrack est elle aussi agréable mais peine à créer de l'exaltation devant le travail éteint de Feig, qui ne parvient ni à créer gags visuelles et encore moins à offrir des scènes d'actions digne de ce nom. On est face à une succession de champs/contre-champs sans fantaisie qui donne au film un aspect statique assez désagréable. Surtout que le tout manque un peu du charme suranné des anciens, on est ici face à une comédie trop lisse ce qui en fait son plus gros défaut et la raison principale du pourquoi le film ne parvient pas à ce hisser au rang de ses aînés. C'était de purs films fantastiques qui étaient originaux et inédits pour l'époque, avec un background peu détaillé mais vraiment inventif. Alors que dans le cas présent, même si on est plus dans le détaille et qu'on apporte des nouveaux gadgets, on reste dans du classique. C'est une comédie américaine lambda qui est émaillé d'éléments fantastique ici et là, mais qui ne transcende jamais son matériau même si il en tire de bonnes choses.
Ghostbusters est un divertissement sympathique mais très perfectible. Il ne parvient jamais à être aussi inventif et avant-gardiste qu'il le voudrait. Même si voir un blockbuster estival avec un casting principal majoritairement féminin fait du bien au cinéma, il faut aussi reconnaître que les personnages ne sont pas foncièrement mémorables et qu'ils sont bien trop clichés. Paul Feig joue bien trop la sécurité et il n'a pas le talent nécessaire pour vraiment transcender ce qu'il avait entre les mains, néanmoins en plus de signer ce qui est probablement son meilleur film à ce jour, il offre un digne héritier aux anciens Ghostbusters car il respecte et aime ce qu'il adapte. On est donc devant un film plaisant, avec un casting attachant et un humour qui se bonifie dans sa deuxième partie et qui nous fait passer un bon moment, malgré un scénario pas très recherché et une mise en scène aux abonnés absents.