Ridley Scott est assurément un des plus talentueux réalisateurs encore en vie ayant marqué du sceau de son nom l'histoire de plusieurs genres distincts du cinéma, à savoir la SF, l'horreur et le péplum. C'est indirectement à ce dernier que se rattache sa nouvelle version de Robin des bois. Car Russel Crowe et Ridley Scott, après avoir tourné ensemble Gladiator, souhaitent réitérer l'expérience tout en répondant par ailleurs à l'envie du public de voir naître un Gladiator 2 ou un produit équivalent. C'est ainsi que Scott se lance dans un projet de fresque épique démesuré, en continuité avec le fabuleux Kingdom of Heaven. Étant un des rares auteurs a oser se lancer, de nos jours, dans une telle superproduction, autant saluer immédiatement son audace. Robin des bois est une œuvre d'un soin formel comme on aimerait en voir plus souvent, où rien n'est sacrifié à la facilité : tout ou presque est reconstitué grandeur nature, ce qui signifie des dizaines de lieux de tournages, des centaines de plateaux, de figurants, des milliers d'armes, de costumes...un chantier colossal à mettre en œuvre, aujourd'hui substitué par les prouesses du numérique au niveau de 99% de la production cinématographique. Scott est un maître de l'esthétique, l'ampleur de sa direction artistique est sans égale, il y apporte une attention énorme qui se solde par un succès phénoménal. Non seulement cela donne l'impression au spectateur d'être plongé dans cette période médiévale, lui apportant une foultitude de détails sur les mœurs et lui faisant ressentir l'ambiance des différents lieux (du village de fermiers aux châteaux forts sombres et gigantesques), mais cela aide aussi à renforcer l'émotion recherchée dans chaque scènes. On apprend en visionnant le making of que les acteurs se sentent beaucoup plus pris par leur jeu lorsqu'ils tournent dans des conditions réelles et pas entourés d'écrans verts, ce qui améliore leur performance. Russel Crowe est parfait en Robin Hood, se classant directement parmi les premières prestations mémorables des multiples adaptations de Robin des Bois, Cate Blanchett s'accorde parfaitement avec lui, les deux formant ainsi un beau duo, Max Von Sydow est à la fois humoristique et très touchant, William Hurt est à mes yeux un des meilleurs en William Marshall. En revanceh les méchants sont moins réussis...si Oscar Isaac réussit péniblement à s'en sortir en Prince Jean, Mark Strong n'a vraiment pas le charisme requis pour incarner le leader traître. Cependant la qualité de leur jeu est amélioré par les conditions de tournage citées plus haut. Ils réussissent ainsi à faire passer des dialogues qui sont parfois relativement indigestes (un film à regarder en VO, cela va sans dire, mais même avec ça les voix françaises sont charcutées à mort), un côté manichéen entre Français et Anglais qui fournit des prétextes au ridicule (bon, c'est pas que je suis patriote mais les français sont globalement stupides et grotesque, surtout le roi de France qui fait office de bouffon du public). Heureusement les relations entre Anglais sont davantage psychologiques, on retrouve les thèmes d'interactions entre mère-fils, père-filles...Tout cela dégage une forte odeur de drame historique, mais le film ne tombe jamais dans le sérieux excessif, restant toujours léger et accessible, surtout grâce au montage qui intègre des scènes divertissantes à intervalles réguliers pour garder un esprit de distraction, et ce avec intelligence (on a pas un « bourrage » de combats, mais une alternance judicieuse entre scènes d'actions, scènes de fêtes avec victuailles, scènes d'amour, rebondissement). Le film se dévoile donc sous une forme étonnement calibré pour tenter de se conformer aux exigences actuelles. Pourtant son intensité de fresque déborde de l'écran, les images de batailles spectaculaires tranchent radicalement avec tout ce que l'on peut voir de nos jours chez les autres blockbusters, la grandeur du drame est condensée avec intelligence ce qui lui donne un rythme très nerveux, assez jouissif. Il eut mérité un large développement sur plus de 3h (le montage initial durait 3h25), ce qui l'aurait peut-être hissé au rang de chef d’œuvre cinéphilique. Mais les temps ne sont plus à ce type de films, et malgré sa modernisation (musique comprise, un thème principal qui décoiffe !) Robin des Bois 2010 reste trop traditionnel, trop rustique pour plaire. Les Lawrence d'Arabie du 21ème sont les Seigneur des Anneaux et maintenant la trilogie du Hobbit. Pourtant j'adore autant l'un que l'autre, surtout que le premier est en déperdition. Un grand bravo à Scott, qu'il continue à imposer ses idées avec autant de panache !